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Avignon / 2015 - Entretien Gaëlle Bourges
Que nous dit aujourd’hui la tapisserie de La Dame à la Licorne ? Du musée de Cluny à la transposition sur le plateau, Gaëlle Bourges offre une autre façon de voir et penser les corps.
Quels éléments de votre parcours professionnel et personnel vous ont conduite à travailler autour des représentations du corps, du corps féminin et du corps nu ?
Gaëlle Bourges : Il s’agit de questionner les représentations des corps dans la peinture, plus que de traiter du corps féminin. C’est ma fréquentation des musées et mon goût pour les images anciennes qui m’ont menée vers l’Histoire de l’art. Puis à un moment dans mon parcours, j’ai travaillé dans un théâtre érotique, et j’ai observé avec amusement que l’on nous appelait des « modèles », plutôt que des danseuses. J’ai été frappée par cette analogie entre la mise à nu de ces corps-là, dans ce théâtre-là, et les nus dans la peinture. Pour entrer en dialogue avec cette longue tradition – cette mise à nu devant le regard d’hommes artistes -, je trouve intéressant de faire apparaître sur le plateau des œuvres emblématiques de l’Histoire de l’art, en croisant, sous forme de récit, données objectives sur les œuvres et histoire critique des représentations. Au fur et à mesure que nous montons littéralement la scène d’exposition (le tableau, la tapisserie), se crée une sorte de palimpseste, visuel et auditif, qui efface la première image – les corps nus par exemple.
« Interroger l’histoire des représentations éclaire d’une lumière extrêmement vive nos façons de faire et de penser contemporaines. »
A mon seul désir est structuré en six séquences, comme la tapisserie. Mais sur le fond, comment avez-vous composé avec tous ces éléments ?
Le fond et la forme ne s’opposent pas, mais plutôt s’entrelacent. Le fond est à la fois le travail en amont sur la tapisserie elle-même, la façon chorale d’exécuter les gestes pour la faire apparaître, et, matériellement, le rideau rouge tendu derrière nous ; la forme, ce sont les figures que nous donnons à voir sur le rideau – figures animales ou humaines – qui suivent au plus près les poses des personnages, et l’alternance récit / silence. Travailler sur la figure, sans psychologie, dit énormément d’un état de corps, d’une profondeur de la pensée, de la complexité de l’œuvre que l’on donne à voir. La tapisserie de La Dame à la Licorne dit et pense mille choses. Si les panneaux mettent en scène une jeune fille plutôt vierge – la licorne en est le gage -, l’œuvre est dès sa fabrication tout à fait ambivalente. La présence de nombreux lapins trouble l’image pieuse de la vierge – au Moyen Age ils représentent l’amour charnel et la luxure. Dans cette correspondance entre construction d’images et récit, on peut entrer dans la profondeur de l’image, laisser réapparaître ce que les formes, les couleurs et les poses racontaient et racontent encore – pensent – aujourd’hui. Interroger l’histoire des représentations éclaire d’une lumière extrêmement vive nos façons de faire et de penser contemporaines.
Propos recueillis par Nathalie Yokel
Festival d’Avignon.
à 18h, le 16 à 15h et 18h, relâche le 17. Tél. : 04 90 27 66 50.
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