La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2015 - Gros Plan

Monument 0 : hanté par la guerre (1913-2013)

Monument 0 : hanté par la guerre (1913-2013) - Critique sortie Avignon / 2015 Avignon Cour du lycée saint-Joseph
Légende : Une « danse guerrière » qui évoque, en le transcendant, l'expressionnisme allemand des années 1930 © Ursula Kaufmann

Cour du lycée St-Joseph / chor. Eszter Salamon

Publié le 26 juin 2015 - N° 234

Qu’est-ce qu’une danse de guerre ? Eszter Salamon ouvre grand les portes d’un chantier : la mise à jour de l’inscription, dans les corps, des conflits qui scandent l’époque contemporaine.

S’inscrivant dans les commémorations de la « Grande Guerre », Eszter Salamon nous invite à s’en affranchir pour voir plus large, comme le précisent les bornes temporelles de son titre, 1913-2013. Bien au-delà du premier conflit mondial, il s’agit en effet de convoquer de très nombreuses guerres, sur les cinq continents, qui à l’échelle d’un siècle traduisent, toutes, une situation qui n’en finit pas de durer, et de dénoncer l’impérialisme de l’Occident qui s’implique dans les conflits, les oriente, voire les génère. Nommées, situées, ces zones de conflit sont les contextes de danses populaires qui ont fait l’objet d’une enquête par la chorégraphe – dont on connaît déjà l’intérêt pour les danses traditionnelles –, et qui sont ici incarnées par six danseurs : eux-mêmes inclassables, inassignables à une nation ou à une ethnie, masqués ou grimés, ils s’accaparent ces danses venues du monde entier, dont le point commun est d’être ou d’avoir été dansées en temps de guerre.

Une archéologie de la danse

Devant ces personnages dont les visages et les corps se métamorphosent, ce sont des images expressionnistes qui nous reviennent d’abord : celles de l’Allemagne des années 1930, de cette convocation intense des corps et de toutes leurs aptitudes, spatiales, rythmiques, expressives. On pense à Mary Wigman, qui soulignait qu’une danseuse, pour danser, « devait être en colère ». Il y a quelque chose de cette énergie implacable dans l’oeuvre d’Eszter Salamon. Elle convoque aussi les références des danses macabres, d’où qu’elles viennent. Car à travers cette conjonction de danses à la fois affiliées à un cadre – celui d’un conflit – et sorties de leur contexte, c’est une forme d’histoire universelle qui se dessine. Découvrant des dizaines de danses, le spectateur entame un voyage fascinant, d’une esthétique à l’autre, tout en étant frappé par la capacité de ces danses à dialoguer, à se fondre en un discours commun, à restituer l’énergie de ceux qui sont envahis, asservis. Eszter Salamon nous ouvre ainsi les portes d’une autre Histoire de la danse. Celle qui proposerait de voir et penser des gestes et des rythmes réactivant l’énergie de ceux que l’on aurait voulu, par la guerre, faire taire.

Marie Chavanieux

A propos de l'événement

Monument 0 : hanté par la guerre (1913-2013)
du mercredi 15 juillet 2015 au mercredi 22 juillet 2015
Cour du lycée saint-Joseph
62 Rue des Lices, 84000 Avignon, France

A 22h, relâche le 19. Festival d’Avignon.  

Tél. : 04 90 27 66 50.

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