Danse contemporaine - Critique
« 1998 » de Thomas Lebrun : la danse en héritage dans un bouleversant programme
Région / Centre Chorégraphique National de Tours / Chorégraphie Bernard Glandier / Christine Bastin / Thomas Lebrun
Publié le 20 mai 2024 - N° 322Avec 1998 Thomas Lebrun crée en ouverture du Festival Tours d’Horizons un bouleversant programme autour de la transmission. Quatre courtes pièces de Bernard Glandier, Christine Bastin et Thomas Lebrun lui-même se succèdent, formant un ensemble splendide et d’une grande cohérence.
Tout commence par Pouce ! solo transmis en 1998 par Bernard Glandier – alors déjà atteint de la maladie de Charcot – à Thomas Lebrun, lui demandant de le confier à son tour à un jeune interprète lorsqu’il ne le dansera plus. Le cadeau de ce bijou d’écriture, le directeur du CCNT l’a fait à José Meireles et Hugues Rondepierre, ce dernier se l’appropriant avec fougue et brio le soir de la première. Contraint par un carré de lumière dont il semble vouloir s’échapper, toujours en alerte, il enchaîne de larges grands pliés et des sauts puissants, passe d’une tension anguleuse au relâchement en un rien de temps, alterne vitesse vertigineuse et lenteur dans une partition aussi complexe que superbe. Puis viens Tù, solo tù du même Bernard Glandier dans une veine similaire, bien que plus apaisé et flirtant avec le baroque. Créé en 1997 pour Montaine Chevalier, il est repris aujourd’hui par celle-ci et également transmis à Anne-Emmanuelle Deroo qui l’interprète avec beaucoup d’élégance.
Deux duos à fleur de peau
Aux deux solos succèdent deux duos. Noce d’abord, créé par Christine Bastin en 1999 et aujourd’hui interprété par Maxime Aubert et José Meireles qui s’en emparent à bras le corps. Savamment imbriqués, jambes entremêlées, cou contre cou, tête contre poitrine ou ventre, ils s’abandonnent l’un à l’autre et à la violence du sentiment qui les consume avec fièvre jusqu’à l’épuisement. Il est rare de voir la passion amoureuse prendre vie avec autant d’authenticité et d’intensité sur scène. Enfin Le titre n’a pas d’importance, créé pour l’occasion par Thomas Lebrun pour Montaine Chevalier et Anne-Emmanuelle Deroo, vient clore ce programme bouleversant. S’inspirant d’une phrase de René Char – « Hâte toi de transmettre ta part de merveilleux, de rébellion, de bienveillance » – le chorégraphe orchestre un duo où les deux femmes sont reliées de bout en bout par leurs mains. Impulsant tour à tour le mouvement de l’autre, libres malgré tout, fortes malgré leur douceur, elles finissent de nous émouvoir. Tant de beauté ne laissant pas indemne, quelques sanglots s’échappent ça et là dans la salle avant que ne retentisse un tonnerre d’applaudissements fort mérité.
Delphine Baffour
A propos de l'événement
1998du jeudi 30 mai 2024 au samedi 1 juin 2024
CCN de Tours
47 rue du Sergent Leclerc, 37000 Tours
à 20h. Tél. : 02 18 75 12 12. Durée : 1h. Dans le cadre du festival Tours d’Horizons.