La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Victor F

Victor F - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Aquarium
Victor F, une fantaisie signée Laurent Gutmann. Crédit : Pierre Grosbois

Théâtre de l’Aquarium / d’après Mary Shelley / texte et mes Laurent Gutmann

Publié le 21 décembre 2015 - N° 239

Après le saisissant Angels in America* présenté en fin d’année 2015, le Théâtre de l’Aquarium ouvre aujourd’hui ses portes à une nouvelle grande réussite : une revisitation de Frankenstein signée Laurent Gutmann. Avec les comédiens Eric Petitjean, Cassandre Vittu de Kerraoul, Luc Schiltz et Serge Wolf.

Tout commence comme un genre de conférence. Un homme (Eric Petitjean), présent sur le plateau dès avant le début de la représentation, finit par demander à un personnage aveugle, qui lui servira d’assistant, d’entrer sur scène (Henri, interprété par Serge Wolf). Puis il prend la parole pour s’adresser au public. Se présente. Dit quelques mots sur son enfance. Montre des images de sa Suisse natale, du village de Lungern, plus précisément, et de son lac, auprès duquel il a grandi. De son hamster Gérard, de son petit frère William, tous les deux disparus, le second à l’âge de douze ans. Ce décès prématuré fut pour lui la première occasion de réfléchir à ce que sont la vie et la mort, aux mystères du cosmos et de l’existence. Cet homme, c’est Victor F. Comme Victor Frankenstein. C’est le double contemporain du personnage créé au XIXème siècle par Mary Shelley (dans son roman Frankenstein ou le Prométhée moderne) qui, comme son prédécesseur, est devenu scientifique et a décidé de concevoir, ex nihilo, un être humain vivant. Un homme nouveau.

Entre loufoque et horreur

Une Créature (Luc Schiltz) dont la naissance s’opère devant nos yeux et ceux d’Elisabeth (Cassandre Vittu de Kerraoul), la compagne de Victor, qui ne parvient pas à empêcher l’expérience. Sur un ton badin, léger, qui puise en permanence dans le deuxième degré, le spectacle de Laurent Gutmann avance comme une fantaisie pleine d’étrangeté. Alliant grotesque et profondeur, il nous gagne immédiatement à la cause de son univers. Virtuosité des comédiens, brio de la scénographie (signée Alexandre de Dardel, le masque de la Créature est d’Alexis Kinebanyan – KFX Studio), finesse du texte et de la mise en scène : pas une fausse note ne vient contrarier cette grande réussite. Et si la drôlerie de cette réflexion sur le rejet, la solitude, l’essence de la vie, les racines de la monstruosité…, traverse l’ensemble de la représentation, une émotion diffuse, un effroi, même, travaillent en arrière plan cette matière théâtrale. Toutefois, malgré la gravité des questions qui surgissent, aucun esprit de sérieux ne pèse jamais sur Victor F. C’est le signe du talent que de chercher ainsi à interroger, à explorer les thèmes les plus profonds tout en faisant sourire. Le signe du talent et de l’intelligence.

Manuel Piolat Soleymat

* Critique dans La Terrasse n° 238, décembre 2015

A propos de l'événement

Victor F
du mardi 5 janvier 2016 au dimanche 24 janvier 2016
Théâtre de l’Aquarium
Route du Champ de Manoeuvres, 75012 Paris, France

Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h. Durée : 1h35. Spectacle au Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg. Tél. : 01 43 74 99 61. www.theatredelaquarium.com

 

Egalement le 30 janvier 2016 au Théâtre de Brétigny, le 5 avril au TAB-Vannes.

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