Voïna
Avec Voïna, le théâtre opéra de Vladimir [...]
Bataille psychologique et écologiste digne d’un thriller hollywoodien : une femme se dresse contre les multinationales impitoyables. Stefano Massini et Irina Brook viennent au secours de la Terre !
« Ces combats sont sans prix et au-delà des chiffres ! »
Comment le projet de cette pièce est-il né ?
Irina Brook : Tout a commencé lorsque j’ai découvert, au hasard d’un article de journal, les travaux et les combats de Gilles-Éric Séralini (1) : je me suis dit qu’il fallait écrire une pièce là-dessus. On croit que tout le monde connaît Gilles-Éric Séralini, que l’opinion publique est au courant de son courage, mais ce n’est pas vrai. Ecrasé par la presse, les lobbies, il a subi d’extraordinaires vilenies, à peine imaginables. Je voulais trouver quelqu’un capable d’écrire là-dessus. Mon collègue Renato Giuliani a pensé à Stefano Massini, très en vogue alors avec Chapitres de la chute – Saga des Lehman Brothers, une des rares pièces évoquant cette actualité. J’avais vu cette pièce et découvert cet auteur très intéressant dans la programmation précédente du Théâtre de Nice, et j’ai aimé son propos politique écrit dans un style brillant, rétif à la lourdeur, très théâtral. Du pur théâtre ! Or, Stefano Massini était alors en train de faire un tour de France pour choisir un CDN où s’installer : il a accepté d’entamer un partenariat avec nous ! Très rapidement, j’ai reçu Terre Noire, pièce très différente de ce que j’avais imaginé, mais passionnante.
Quelle est l’histoire de cette pièce ?
I. B. : L’histoire de l’affrontement entre deux avocats, interprétés par Romane Bohringer et Hyppolyte Girardot (que je retrouve tous les deux avec bonheur): l’une aide un fermier dont les multinationales veulent détruire les terres, l’autre défend les destructeurs. C’est une pièce très brillante, un thriller dont la construction non chronologique rajoute quelque chose de fascinant, dans une écriture non conventionnelle, qui alterne de courtes saynètes presque cinématographiques, naturalistes, et des monologues poétiques. Cela se passe en Afrique mais j’ai choisi de ne pas y ancrer la situation, qui pourrait se passer en Inde, ou dans une ferme en France. Cela rend les choses plus universelles.
Comment avez-vous découvert ces questions ?
I. B. : Très tardivement. J’ai longtemps vécu dans une bulle protégée du monde. Pendant les douze années qui ont précédé mon arrivée à Nice, j’ai élevé mes enfants. Je n’avais pas cet engagement à plein temps et ne savais quasi rien de ce qui se passait dans le monde. C’est peut-être pour cela que je suis d’autant plus évangélique sur ces questions, justement parce que j’ai longtemps fais partie des personnes non informées. J’éprouve encore plus le besoin de partager l’information, et je le fais par le biais de l’art. Tout ce qu’on entend, tout ce qu’on voit, le monde en train d’être détruit par l’argent, les affaires, l’absence de valeurs transcendantes guidant le monde, le rapt des intelligences et du pouvoir par le business nous forcent à réagir quand on sait ! Mon moyen d’expression est le théâtre. Il a sans doute moins d’impact que d’autres, mais même s’il touche peu de gens, il ne faut pas en minimiser l’impact. Car ces combats sont sans prix et au-delà des chiffres, même si j’ai parfois l’impression d’être une petite goutte d’eau dans un océan de malheur.
(1) Gilles-Éric Séralini, professeur de biologie moléculaire et cofondateur du CRIIGEN, a été rendu célèbre et injustement vilipendé pour ses travaux sur la nocivité des pesticides et des OGM. Il a été victime de campagnes de presse injurieuses et de la calomnie de certains de ses pairs, qui ont porté atteinte à sa personne et à sa légitimité scientifique pourtant incontestable.
Propos recueillis par Catherine Robert
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h30. Tél. : 04 93 13 90 90.