La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Palatine

Palatine - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Alexandre Fay. Légende photo : Marie Grudzinski est la Palatine, ironique témoin du Grand Siècle.

Publié le 10 novembre 2008

Jean-Claude Seguin signe une remarquable adaptation de la correspondance de la princesse Palatine et Marie Grudzinski campe avec une rare vérité la truculente et tendre Liselotte.

A l’instar des Persans de Montesquieu, Charlotte-Elisabeth de Bavière observa la France, la pétaudière versaillaise, les courtisans ridicules et les dévots malfaisants du papisme meurtrier avec l’ironie et l’objectivité d’un point de vue distancié et critique. Egarée au milieu des affèteries enrubannées de l’aristocratie française décadente, la caustique Liselotte, élevée en liberté dans la religion réformée et l’esprit humaniste du Palatinat, habituée à vivre simplement au milieu des paysans, ne parvint jamais tout à fait à se plier aux mœurs dépravées et aux intrigues que lui imposèrent ses noces avec Philippe d’Orléans. Pourtant, ni la rigueur imbécile de l’étiquette, ni l’humiliante présence des mignons batifolant autour de son mari, ni les piques vipérines de « l’ordure du roi », l’infâme et bigote Maintenon qu’elle exécrait, ne parvinrent à faire plier cette âme sensible et intelligente qui se vengea de la médiocrité de la cour en s’en faisant la mémorialiste assidue, dans une correspondance fournie avec sa famille allemande. Drôles, alertes et colorées, ses lettres, dont la fraîcheur et la verve savent se mâtiner de tendresse quand elles évoquent ses enfants et sa famille allemande, constituent un des témoignages les plus précieux sur le siècle de Louis XIV. Sensible à la misère du peuple et aux bassesses des méchants, atterrée par les cabales et par le sort fait aux Protestants, scandalisée par la guerre et les privations que le caprice de Louis XIV impose à l’Europe, lucide sur les gabegies des ministres et les manigances des favorites, la « commère de France » apparaît comme un personnage éminemment sympathique et épatant de crudité, de finesse et d’esprit.
 
Un élégant travail d’interprétation et de mise en scène
 
Confiant à Marie Grudzinski le soin de camper Madame de son mariage jusqu’à sa mort, Jean-Claude Seguin trouve en elle un tempérament à la hauteur de son personnage. La comédienne réussit avec une aisance incroyable à ressusciter cette princesse atypique, jouant subtilement de l’accent, des mimiques et des poses pour faire le portrait d’une héroïne à l’abattage formidable dont l’intelligence acérée se maintient dans un regard pétillant d’humanité alors que les ans ravagent et enrobent sa solide carcasse de Bavaroise plus encline à la soupe à la bière qu’aux mignardises délicates des repas interminables à la table du roi. Au fur et à mesure du temps, pendant que le froid fige le vin dans les verres et que l’austérité moralisante de la « guenon » de Maintenon glace l’ambiance de la cour, la pétulante Liselotte se change en douairière imposante et Marie Grudzinski n’a besoin que de quelques artifices vestimentaires pour réussir à transformer l’aspect de son rôle qu’elle investit avec une vérité sidérante. Pour le bonheur de la langue et du style, pour le plaisir des portraits croqués avec une précision virevoltante, pour la justesse d’une interprétation pertinente, ce spectacle mérite très largement d’être applaudi.
 
Catherine Robert


Palatine, d’après la correspondance de Charlotte-Elisabeth de Bavière ; adaptation et mise en scène de Jean-Claude Seguin. Du 1er octobre au 27 décembre 2008. Du mercredi au samedi à 19h30. Relâches exceptionnelles les 3, 10 et 25 décembre. Théâtre de Nesle, 8, rue de Nesle, 75006 Paris. Réservations au 01 46 34 61 04.

A propos de l'événement


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