La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2016 - Entretien / Didier Salzgeber et Philippe Henry

Mieux faire culture ensemble

Mieux faire culture ensemble - Critique sortie Avignon / 2016
Crédit visuels : Camille Millerand Légende : Philippe Henry et Didier Salzgeber

Focus Institut de Coopération pour la Culture

Publié le 26 juin 2016 - N° 245

Ils sont au nombre de 21. Les membres de l’Institut de Coopération pour la Culture nous lancent une invitation : tenter de faire émerger, avec eux, de nouveaux chantiers de développement culturel et artistique susceptibles de faire face – dans une perspective humaniste – aux mutations de notre société. Préoccupés par les processus de discrimination actuellement à l’œuvre au plan économique, social, culturel et éducatif dans notre pays, Didier Salzgeber et Philippe Henry – deux des membres fondateurs de l’I.C.C. – présentent les principes de leur démarche de réflexion. Une démarche qu’ils souhaitent ouvrir et partager. Les premières avancées de leurs réflexions sont à découvrir  à la Maison Jean Vilar d’Avignon, le 18 juillet.

Comment est né l’I.C.C. ?

Didier Salzgeber : L’Institut a été créé en 2011, avec une mise en activité en 2012. Il est né du sentiment de panne que nous observions dans les politiques publiques des secteurs artistiques et culturels. En créant l’I.C.C., nous avons essayé de regarder quels pouvaient être les espaces de mise en pensée susceptibles d’être créés. Le principe était simple : réunir des personnes diverses autour d’une table et essayer d’explorer, ensemble et à partir de cas concrets, la question du développement culturel et des politiques publiques de la culture en France.

« Explorer, ensemble et à partir de cas concrets, la question du développement culturel et des politiques publiques. » Didier Salzgeber

Philippe Henry : Nous vivons depuis quelques années un mouvement de bouleversement général de notre société. Cette transformation est aussi importante que la deuxième ou la première révolution industrielle. Tout est actuellement en train d’être remis en cause. La culture, bien sûr, n’échappe pas à cela. Partant de ce constat, notre démarche vise à réfléchir à la possibilité de reconfigurer l’action publique et le rapport de cette action avec la société civile.

Tout cela à partir de différentes expériences…

D. S. : Oui, l’idée n’est vraiment pas de nous enfermer dans une discussion de laboratoire entre sachants, mais de « faire expérience autour d’expériences » qui sont menées ici ou là. A travers une discussion collective, nous essayons donc de décrypter ces projets à travers leurs tenants et leurs aboutissants. Dans le moment de bascule que nous vivons, plus personne ne prend le temps d’explorer et de problématiser les choses. C’est ce que nous souhaitons faire, afin d’essayer d’enrayer le déficit dont nous venons de parler.

Pouvez-vous revenir sur les différents aspects de cette panne ?

D. S. : Il s’agit vraiment d’une panne de la pensée et de l’action. Elle provient pour partie d’une puissance publique qui a de plus en plus de mal à appréhender les différentes réalités des territoires et les initiatives citoyennes qui s’y développent. Et puis, il y a un déficit de prise en compte et de mise au travail de ce qu’écrivent les chercheurs et les praticiens.

« Des nouvelles formes de coopération et de mutualisation sont indispensables. » Philippe Henry 

Ph. H. : Mais il faut préciser que ce n’est pas seulement une perte de pertinence des politiques publiques. C’est un phénomène beaucoup plus général. Il faut aujourd’hui construire une nouvelle perspective pour les pratiques artistiques et culturelles. Car le régime de développement dans lequel nous sommes embarqués n’est – c’est le moins que l’on puisse dire – ni inclusif, ni solidaire… Les nouveaux modes d’exploitation, de privatisation et d’exclusion qui se font jour – vis-à-vis des biens symboliques que constituent les pratiques artistiques et culturelles – sont encore plus redoutables qu’au XIXème siècle. La question est alors de savoir si le libéralisme financier est une solution d’avenir ou s’il y a un nouveau monde à inventer dans une perspective plus humaniste, plus égalitaire, plus solidaire, plus généreuse, plus équitable…

Vers quoi vos réflexions tendent-elles ?

DS : Vu la dislocation et le basculement du système, il y a quatre grands chantiers que l’on propose d’ouvrir. Le premier concerne la question des identités culturelles et donc de la diversité culturelle. Le deuxième porte sur la dynamique entrepreneuriale et économique. Nous pensons qu’il faut dépasser la logique de marché pour intensifier et reconfigurer les formes de coopération dans les secteurs artistiques et culturels. Le troisième vise à réinterroger entièrement les métiers, les compétences, la capacité à agencer les ressources humaines, matérielles et financières – cela sur chacun des projets et des territoires sur lesquels on travaille. Ce qui revient à chercher comment « mieux faire culture ensemble ». Enfin, le quatrième chantier touche aux équipements artistiques et culturels. Il faut réinventer ces espaces publics en sortant de la logique de spécialisation exclusive de ces lieux.

Ph. H. : Des nouvelles formes de coopération et de mutualisation sont indispensables. Il faut les inventer. Et il faut le faire maintenant. Car la montée des populismes fait peser sur notre société un risque colossal. Un risque qui pourrait nous entraîner dans une régression d’une violence intercommunautaire et intergénérationnelle dont on n’a pas idée.

Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat

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