La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

SHALL WE DANCE?

Le corps en état d’urgence

Le corps en état d’urgence - Critique sortie Danse
Crédit : Blandine Soulage-Rocca Légende : Hafiz Dhaou et Aïcha M’Barek, chorégraphes de la compagnie Chatha.

Propos recueillis Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou
Danse et politique

Publié le 27 février 2016

Les deux chorégraphes nichent le politique et le poétique dans chacune de leurs pièces.

« La politique est un sens civique qui peut s’exercer à tous les endroits, surtout en tant qu’artiste. Nous n’avons pas le luxe aujourd’hui de pouvoir monter sur scène sans parler de choses qui ne seraient pas éminemment politiques, mais elles doivent s’autoriser à être poétiques. Ce n’est pas contradictoire. Dans notre travail, nous nous accordons la légitimité de parler de la Tunisie, mais on ne s’est jamais enfermé dans un discours « tuniso-tunisien », bien au contraire ! On le voit bien aujourd’hui, dans le fait d’amener par exemple un certain rapport entre les corps. C’était très visible dans notre duo Toi et moi, avec ces corps qui ne se touchent jamais, ou dans Khargba, où, sur des tonnes de graviers, nous avions des postures de corps qui passent par l’épreuve physique, en plaçant le pouvoir à cet endroit-là… La danse permet d’avoir un discours politique fort et très concret. Le langage chorégraphique ne se cache pas derrière des slogans, il n’est pas moralisateur, il ne donne pas de leçons. Depuis Kawa, certainement, avec ce corps seul, nous nous sommes confrontés à un corps en état d’urgence. Nous n’avions pas compris pourquoi il y avait cette tension permanente dans le travail, qui empêchait les gens de respirer. Mais en fait, l’environnement dans lequel nous étions nous compressait, du coup nous étions en permanence dans cette ébullition, cette espèce d’état d’urgence.

Agir sur le regard

Mais on a toujours pensé que si l’on prenait les choses de manière frontale, on allait réduire le champ de l’imaginaire. On ne veut pas que le spectateur se fige dans une idée, ou carrément prenne de la distance en se disant « c’est leur problème et ce n’est pas le mien ». Par contre, trouver de la poésie, trouver des liens de force avec des corps impliqués dans une façon d’habiter ces tensions-là, oui ! Et le public arrive à reconnaître des passerelles qui font sens pour lui. La manière frontale peut être très radicale, mais à quoi cela sert-il de prendre en otage le public ? Il n’échappe pas aux médias de masse, il n’échappe pas aux formatages, et nous, nous proposons un autre discours. Avec Sacré Printemps, il fallait que l’on parle de la révolution tunisienne, mais le spectateur arrivait déjà avec une vision, et essayait de décrypter ce qu’il était en train de voir selon ce spectre-là. Le corps fait naître des questionnements visibles chez l’interprète, et nous agissons sur les regards. »

 

Propos recueillis par Nathalie Yokel

A propos de l'événement

Sacré Printemps !
du samedi 12 mars 2016 au vendredi 22 avril 2016


Théâtre Louis Aragon, Tremblay-en-France, le 12 mars 2016, Oster Festival, Triol (Autriche), le 23 mars 2016, Ramallah Contemporary Dance festival, Ramallah et Jérusalem (Palestine-Israël), du 11 au 13 avril 2016, BIPOD Beirut International Platform of Dance, Beyrouth (Liban), le 16 avril 2016, Théâtre d'Arles, le 22 avril 2016.

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