Vous avez dit émergence ?
Danse et émergence
Publié le 27 février 2016Pas de statistiques, de chiffres, de mises en débat… Et pourtant, l’émergence chorégraphique est là ! Quelle reconnaissance pour ce temps si particulier d’un parcours d’artiste ?
« L’émergence, c’est cette période où un chorégraphe est en quête d’une identité artistique, où il cherche son écriture, sa signature. Où il est nourri de ses expériences, et va les oublier. Ce temps agit comme un sas, et peut passer par cinq ou six pièces, nécessaires pour affirmer ce qu’on a à dire, à défendre, et qui l’on est », souligne Jean-François Munnier, conseiller artistique de l’Etoile du Nord. Cette scène conventionnée danse a la singularité d’affirmer dans sa programmation l’axe de l’émergence, à travers ses temps forts Open Space et Jet Lag. Un cas plutôt isolé dans le cercle des théâtres, pour qui elle représente davantage un risque qu’une mission. Annette Jeannot, des Journées Danse Dense, explique : « Soutenir l’émergence depuis trente ans passe pour moi par cette question fondamentale : que va être la danse de demain ? L’émergence se forme autour de ce que j’appellerais la jeune création. Aujourd’hui, les chorégraphes sont confrontés à l’effet de la multitude. Mon travail s’arrête quand ils deviennent autonomes, solides avec leurs propres partenaires et coproducteurs ». Où commence l’émergence, où finit-elle ? Emerger ne signifie pas seulement mettre au jour sa propre écriture chorégraphique. Il s’agit également de la faire reconnaître, et cette phase passe par la possibilité de financer son projet et de le montrer. C’est là que le vide en termes de dispositifs adéquats se fait ressentir, et que le parcours du combattant peut commencer. Le jeune chorégraphe est souvent confronté à une injonction contradictoire : comment se faire repérer si l’on ne peut pas montrer son projet, et comment montrer son projet, si l’on n’est pas déjà repéré ?
Des voies hors de l’institution
L’aide au projet, premier échelon des aides proposées par les DRAC, est suspendue à une date de diffusion annoncée de la pièce. L’intégration dans un réseau spécialisé autour de l’émergence constitue une voie possible pour cette reconnaissance par les professionnels. C’est par exemple le travail des Journées Danse Dense, qui, à travers des résidences et des temps forts comme Danse en Chantier et les Incandescences, offrent une visibilité essentielle pour les projets. Le réseau des Petites Scènes Ouvertes organise aussi des repérages et une grande plateforme où des équipes sélectionnées après un appel à projet peuvent être programmées. D’autres types d’opérateurs privés peuvent aussi prendre en charge cette question et aider au financement des projets : c’est le cas de la Caisse des Dépôts et Consignations avec son programme Jeunes Talents Danse, ou de la compagnie Vendetta Mathéa, qui développe un incubateur chorégraphique. Parallèlement, on voit aujourd’hui s’imposer une nouvelle forme de monstration, pourtant déjà éprouvée par le passé : celle du concours (et le spectre du mythique concours de Bagnolet), avec par exemple (Re)connaissance, qui jouit aujourd’hui d’une belle écoute de la presse et des professionnels et va jusqu’à accompagner en production les artistes lauréats, ou le nouveau « Concours de jeunes chorégraphes », de Thierry Malandain.
Nathalie Yokel
Festival Les Incandescences, du 10 mars au 8 avril 2016. Journées Danse Dense, 2 rue Sadi Carnot, 93500 Pantin. Tél. : 01 49 15 40 24.
Festival Jet Lag, du 11 au 27 mai. Etoile du Nord, 16 rue Georgette Agutte, 75018 Paris. Tel. : 01 42 26 47 47.