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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -242-Le Palais Royal

L’exigence du partage

L’exigence du partage - Critique sortie Classique / Opéra
Le chef d’orchestre Jean-Philippe Sarcos, directeur musical du Palais Royal. © Vanessa Franklin

Entretien / Jean-Philippe Sarcos

Publié le 28 mars 2016 - N° 242

Quelle est l’ambition qui a présidé à la naissance de l’ensemble ? Jean-Philippe Sarcos : Le Palais Royal est né en 2010, […]

Quelle est l’ambition qui a présidé à la naissance de l’ensemble ?

Jean-Philippe Sarcos : Le Palais Royal est né en 2010, mais il est au fond l’aboutissement d’une histoire bien plus ancienne et d’une réflexion qui a occupé toute mon activité de chef d’orchestre. En 2010, j’ai pu disposer des moyens financiers et humains pour réaliser le projet dont je rêvais : un ensemble qui réunisse des musiciens, chanteurs et instrumentistes, extrêmement motivés non seulement pour faire de la bonne musique mais aussi pour la transmettre à un public d’aujourd’hui. Depuis des décennies, une grande partie du public s’est éloignée de tout ce qui nous paraît naturel et quotidien en tant que musiciens : le travail sur le texte, la recherche des couleurs, la virtuosité, les nuances… On peut le regretter, mais je crois plutôt qu’il faut parvenir à atteindre ce public potentiellement immense, qui a un rapport à la musique rare, voire inexistant. Nous devons leur donner la passion de la musique, et leur permettre ensuite de progresser. Mais il faut pour cela un vrai travail de fond, sur la durée.

« La proximité est indispensable si l’on veut convaincre que la musique est quelque chose d’essentiel »

Cela implique-t-il des choix d’interprétation particuliers ?

J.-P. S. : Cela implique surtout de partir de la volonté de transmettre de façon audible ce que le compositeur voulait « raconter ». Pour le programme « Joie baroque » que nous avons donné en mars, nous avons travaillé la musique de Bach, Telemann et Buxtehude dans l’idée de faire passer de la joie au public. Mais qu’est-ce qu’un compositeur, à l’époque baroque, entendait par « joie » ? Cette joie, aujourd’hui, est-elle transposable, explicable ? Comment peut-on la faire comprendre et partager au public ? C’est seulement à partir de là que l’on peut commencer à travailler la musique, se demander quel phrasé on va utiliser. Nikolaus Harnoncourt, qui vient de mourir, a été pour moi un grand maître. Je partage son point de vue selon lequel, dans le discours musical, les « mots » sont importants, mais il est plus important encore de les dire de telle façon qu’ils soient compris.

Vous vous adaptez donc aux différents publics…

J.-P. S. : Nous ne jouons pas différemment selon que nous donnons un concert « normal » ou que nous proposons nos concerts « coups de cœur » à un public de jeunes de milieux défavorisés. En revanche, nous nous efforçons de nous rapprocher du public, en allant le chercher là où il est. C’est pourquoi nous tenons à jouer dans des salles à taille humaine, comme la salle du premier Conservatoire : s’adresser à 500 personnes, c’est possible. La proximité est indispensable si l’on veut convaincre que la musique est quelque chose d’essentiel. Cela passe aussi par une vraie présence des musiciens, pendant et après le concert. Les musiciens jouent debout ; c’est éprouvant, certes, mais beaucoup plus fort : tout le corps est engagé. De même, je tiens absolument à ce que les chanteurs, solistes ou chœurs, chantent tous par cœur.

Pour qu’ils s’adressent directement au public, sans que la partition fasse écran ?

J.-P. S. :  Oui, quand un chanteur a les yeux braqués sur le public, celui-ci se sent « appelé » et peut répondre par son propre regard. J’ai vu trop souvent des chanteurs – d’excellent niveau technique, ce n’est pas la question – faire en concert du déchiffrage amélioré. Quand j’étais l’élève de Georges Prêtre, il m’obligeait à connaître par cœur les partitions que je venais travailler chez lui : cela permet d’aller beaucoup plus loin dans l’interprétation, cela donne une grande liberté. J’ai conservé cette exigence.

 

Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun

 

Le Palais Royal

3 rue Vineuse, 75016 Paris

 

Tél. : 01 45 20 82 56

www.le-palaisroyal.com

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