Célébrer le hip hop sous toutes ses formes
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Danse - Entretien / Sylvain Prunenec
La nouvelle création de Sylvain Prunenec imbrique une recherche sur un état de corps et une question plus politique, qu’il porte en duo avec Tatiana Julien.
Quelle est la genèse de cette pièce au titre énigmatique ?
Sylvain Prunenec : Le titre est vraiment un terme de zoologie, qui décrit un état de stress dans lequel se trouvent les oiseaux avant la migration, et qui se poursuit tout au long du voyage. C’est en écoutant en concert une composition de Stephen O’Malley intitulée Gruidés (référence aux grues, de la famille des oiseaux migrateurs) que j’ai eu l’intuition de cette pièce. Cela faisait écho à des choses que je traversais à ce moment-là : aussi bien des choses personnelles, intimes, où l’on a le sentiment que les appuis, les repères qui nous servent à avancer dans la vie sont un peu plus fragiles, que des événements extérieurs qui se sont produits cet été avec l’arrivée massive de migrants. Tout cela a résonné en moi jusqu’à me pousser à travailler sur cette idée de la migration, comprise comme un entre-deux, un endroit où on ne reconnaîtrait plus certains repères, ni les nouveaux appuis qui nous permettraient d’aller de l’avant.
Etait-ce le point de départ pour l’élaboration de la matière corporelle ?
S. P. : Oui, et cette histoire d’agitation m’intéressait aussi : je suis souvent porté par des danses assez énergiques, et j’ai voulu voir si je pouvais rendre compte de cet état dans sa forme intérieure. Et puis le rapport au sol m’attirait, comme la sensation d’un sol peu fiable. On a donc beaucoup travaillé sur l’idée de glisser au sol, davantage sur la sensation que sur le fait de glisser réellement. Il y a à la fois une ouverture vers l’imaginaire et des questions techniques qui se posent. Je joue sur les deux tableaux : comment l’imaginaire peut-il amener à sentir un corps dans un glissement, qui serait aussi une dérive ?
« Quelle attention est-on capable de porter à l’autre ? »
Vous évoquiez aussi dans vos premières intentions Fernando Pessoa et la question de l’identité. Comment cela prend-il forme aujourd’hui ?
S. P. : Pour Pessoa, c’est plutôt le bain de sa poésie qui m’a porté au début du projet. Quant à la question de l’identité, elle me travaille depuis quelque temps, mais pour cette pièce, elle est mise en jeu à travers la façon dont Tatiana Julien et moi pouvons être ensemble, à travers les chemins empruntés pour aller l’un vers l’autre, à travers les manières de reconnaître l’autre. C’est ce qui est à l’œuvre dans ce travail : reconnaître dans notre propre corps la présence, les qualités qui sont plutôt celles de l’autre. Politiquement, la question qui se pose est la suivante : quelle attention est-on capable de porter à l’autre, et notamment à ceux qui quittent un endroit avec la nécessité de trouver un refuge ailleurs ?
Propos recueillis par Nathalie Yokel
à 20h30. Tél. : 01 417 417 07.
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