La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Youri Pogrebnitchko

Youri Pogrebnitchko - Critique sortie Théâtre
Youri Pogrebnitchko

Publié le 10 janvier 2008

L’école russe : apprendre à trouver le juste chemin

C’est dans l’antre de l’Okolo, un des plus importants studios de recherche de la scène moscovite, qu’il faut chercher Youri Pogrebnitchko. Ou peut-être dans quelques villes étrangères… Pour le maître russe, qui débuta avec Lioubimov à la Taganka avant de tracer sa propre route, « mettre en scène, c’est former ». Depuis trois ans, il mène un atelier à l’Ecole régionale d’acteur de Cannes (ERAC), qui aboutit aujourd’hui à la création de Ne vous séparez pas de ceux que vous aimez, variations tragi-comiques sur l’amour et le divorce, écrites en 1970 par Volodine.

Quel est le projet du Théâtre « Okolo Doma Stanislavski », c’est-à-dire « à côté de la maison de Stanislavski » ?
 
J’ai rejoint ce théâtre à Moscou en 1987, à l’époque de la pérestroïka, pour développer mes idées théâtrales. J’y travaille le répertoire, notamment Tchékhov ou Dostoïevski, avec ma troupe permanente. J’ai également créé un atelier artistique, qui accueille de jeunes comédiens issus de l’école supérieure de théâtre. J’essaie de leur transmettre ce que j’ai appris, notamment à travers Stanislavski et Grotowski, et, plus précieux que la technique, de les amener à trouver le sens de leur métier et de leurs actes.
 
Pourquoi avez-vous choisi la pièce de Volodine ?
 
A travers des saynètes apparemment ordinaires, issues des chroniques quotidiennes d’un tribunal examinant des requêtes de divorce, Volodine saisit toute la réalité de l’expérience humaine. Ces gens, perdus dans leur propre souffrance, ne savent plus le sens du mariage, de la famille, de la trahison. J’ai inséré quelques pages, plus cérébrales, de Crime et Châtiment de Dostoïevski, pour faire résonner les échos métaphysiques du texte, très concret, parfois comique et prosaïque, de Volodine. Cette pièce offre en outre une belle partition pour faire travailler les comédiens de l’ERAC.
 
« La pièce enchevêtre trois lignes de tension, – émotionnelle, intellectuelle et corporelle -, qui doivent sonner juste et vibrer ensemble, comme dans une chorégraphie. »
 
Comment abordez-vous le texte ?
 
Nous avons essayé de le chausser à nos pieds, c’est-à-dire de mettre les mots en mouvement en nous laissant guider par le courant de la parole. Il ne s’agit pas de « diriger » les comédiens ni d’interpréter mais de faire affleurer à travers les corps les enjeux que le texte porte en lui-même. La pièce enchevêtre trois lignes de tension, – émotionnelle, intellectuelle et corporelle -, qui doivent sonner juste et vibrer ensemble, comme dans une chorégraphie.
 
Comment avez-vous travaillé avec les élèves de l’ERAC ?
 
Le but de mon enseignement est de leur apprendre à trouver la justesse, au théâtre comme dans la vie. Autrement dit, à se débarrasser des habitus et des réactions machinales qui formatent leurs attitudes et leurs relations pour parvenir à être pleinement attentif, dans le moment présent. Le processus s’appuie notamment sur des exercices qui développent l’attention. Ma méthode cherche à mettre en parallèle, en harmonie, le travail sur soi-même et sur le rôle. Le théâtre, c’est le chemin.
 
Entretien réalisé par Gwénola David, avec la traduction simultanée d’Anton Loshak.


Ne vous séparez pas de ceux que vous aimez, d’après Tchekhov, Volodine, Dostoïevski, mise en scène Youri Pogrebnitchko, avec les élèves de l’École Régionale d’Acteurs de Cannes (ERAC), du 9 au 20 janvier 2008, à 20h30, sauf dimanche à 16h, relâche lundi, au Théâtre de l’Aquarium, La Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris. Rens. 01 43 74 99 61 et www.theatredelaquarium.com.

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