La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Whistling Psyche

Whistling Psyche - Critique sortie Théâtre saint denis Théâtre Gérard Philipe
© Franck Beloncle Juliette Plumecocq-Mech et Catherine Hiégel, deux femmes révoltées.

Théâtre National de Strasbourg/Théâtre Gérard Philipe / de Sebastian Barry / mes Julie Brochen

Publié le 11 février 2013 - N° 206

Deux femmes de l’époque victorienne revivent leur passé et par l’évocation  luttent contre l’oubli. Un texte captivant de Sebastian Barry que Julie Brochen met en scène avec Catherine Hiegel et Juliette Plumecocq-Mech. 

Deux êtres d’exception, deux spectres qui revivent le passé dans un espace onirique : salle d’attente d’une gare déserte et figée dans le temps, couloir évoquant un hôpital de fortune, chambre d’écoute où advient la parole. Deux enragées contre les injustices de la vie, deux femmes d’action ultra compétentes. L’une révoltée contre la philosophie “du sofa“, contre son milieu possédant « des hectares de tapis et de pelouses », programmant et corsetant la vie des femmes. Florence Nightingale (1820-1910), infirmière reconnue et pionnière inouïe, a quitté le confort familial pour œuvrer dans des hôpitaux militaires  épouvantables. L’autre au destin fascinant et extrêmement touchant, à la vie confisquée par un mensonge qui l’a emprisonnée toute sa vie et l’a privée de reconnaissance. Accompagné d’un caniche qu’il appelle Psyché, James Miranda Barry (environ 1795, 1865), chirurgien engagé dans l’armée britannique, améliora l’hygiène et soigna tout le monde sans distinction. Son secret fut divulgué à sa mort : c’était une femme. L’une reste en jupes, l’autre est tragiquement dépossédée de son identité et de son corps. L’auteur irlandais Sebastian Barry imagine la rencontre entre ces deux êtres solitaires et sans illusion, qui se remémorent le parcours de leur vie, font entendre leurs colères, leurs luttes et leurs douleurs. Catherine Hiegel – le docteur Barry -, fulminant et tragiquement solitaire, en costume militaire à boutons dorés – et Juliette Plumecocq-Mech – Florence Nightingale -, impressionnante de détermination et de colère, en son costume d’époque, interprètent les deux femmes avec une puissance singulière.

Monologues qui se muent en dialogue

La mise en scène souligne les jeux de miroirs entre les deux – on se dit d’ailleurs que l’une aurait pu jouer l’autre. L’espace est morcelé et structuré par des rideaux de tulle qui voilent et dévoilent les surgissements de la mémoire. Des images projetées laissent voir des pans de réel – du beau gouverneur aux chevaux morts prisonniers de la neige. La grande difficulté de la pièce est de réussir à faire naître une force dramatique de cette improbable rencontre, de créer une réelle émotion de la résonance entre ces deux monologues croisés qui se muent en dialogue, de faire théâtre d’un texte extrêmement poétique et dense. La pièce y parvient avec plus ou moins d’intensité, peut-être parce que la mise en forme de la confrontation est ici d’abord pensée par l’organisation de l’espace plus que par le jeu entre les deux personnages. C’est l’un des paradoxes du théâtre : il se fonde sur une organisation artificielle et révèle une authenticité des expériences humaines. Ici parfois il semble que l’artifice prime sur l’expérience. La scène du récit par le docteur de son accouchement d’un bébé mort-né, remarquablement belle et poignante, dit toute la tragédie d’une vie de femme brisée.

Agnès Santi

A propos de l'événement

Whistling Psyche
du mardi 12 février 2013 au dimanche 3 mars 2013
Théâtre Gérard Philipe
59 bd Jules Guesde, 93200 Saint-Denis.

Du 12 février au 3 mars, du lundi au vendredi 20h sauf mardi relâche, samedi 18h, dimanche 16h. Tél : 01 48 13 70 10. Durée : 1h20. Spectacle vu au Théâtre National de Strasbourg.
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