La Confession d’un enfant du siècle
Avec un lyrisme mâtiné d’insolence, Bertrand [...]
Cette pièce de Godefroy Ségal explore la légende peu connue de la ville d’Ys, légendaire cité engloutie dans la Baie de Douarnenez. Un théâtre d’épopée qu’on voit rarement sur nos scènes.
La première version écrite de la légende d’Ys date du 15ème siècle, mais l’histoire de cette ville connait un succès florissant à partir du 19ème siècle, à travers de nombreuses réécritures littéraires. Maupassant, par exemple, donna une version courte de cette légende d’une ville submergée par les flots sur ordre divin, comme un symbole du déclin de la civilisation celte face au christianisme triomphant. A la tête de cette cité, le roi Gradlon, dirigeant vaillant et équanime, et sa fille, Ahès, sensuelle progéniture née de son amour avec Malgven, féérique reine du Nord. Comme pour toute légende, les versions prolifèrent, et Godefroy Ségal a sans doute compulsé de nombreuses sources pour en écrire une version théâtrale grand format : deux heures quinze d’un spectacle produisant huit comédiens et vingt choristes de l’Ensemble Vocal de Saint-Quentin-en-Yvelines pour un théâtre d’épopée dont on se dit dès les premières minutes qu’il tient du pari un peu fou.
La vague chrétienne moralisatrice
En effet, scènes de bataille, de meurtres, d’accouplements, de cavalcades, d’orgies et de magie ponctuent cette histoire comme autant de pièges potentiels pour la représentation théâtrale. En voyant arriver sur le plateau des hommes à moitié nu, le torse couvert de tatouages, et des femmes aux allures d’amazone, on se dit d’ailleurs d’emblée que le défi sera pris à bras-le-corps, sans distance ni ironie vis-à-vis du genre. Et c’est bien le cas. Godefroy Ségal n’en est pas à son coup d’essai dans cette veine épique et il a conduit son récit et sa mise en scène avec sérieux. Bien sûr, tout n’est pas parfait en ce soir de première à la Ferme du Bel Ebat. Le spectateur met du temps à démêler les changements de personnages et peine, par conséquent, à rentrer dans l’histoire. Mais, tout naturellement – bien aidé par le dépouillement scénographique d’un plateau orné de quelques planches et d’une grande bassine océanique, et par le choix d’un jeu suggérant souvent les actions – un univers singulier et maîtrisé prend forme, petit à petit, s’appuyant sur une interprétation de qualité, dominée par l’aura vulnérable de Laurent Desponds et la malice méphistophélique d’Eric Da Silva. L’écriture de Godefroy Segal est d’une poésie parfois un peu convenue et le registre de l’épopée conduit naturellement à grossir les traits. S’opposent donc à la vague chrétienne moralisatrice, coupant les liens de l’homme à son animalité, à son état de nature, les derniers remparts d’un paganisme celte teinté de polythéisme animiste, où le corps s’exprime avec bien davantage de joie et de liberté. C’est la morale de cette légende, à laquelle, il est vrai, il est bien tentant d’adhérer.
Eric Demey
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