La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2016 - Entretien / Hillel Kogan

We Love Arabs

We Love Arabs - Critique sortie Avignon / 2016 Avignon Avignon Off. La Manufacture
Crédit : Gadi Dagon Légende : Hillel Kogan (au centre) et Adi Boutrous (à gauche).

Chor. Hillel Kogan

Publié le 26 juin 2016 - N° 245

Hillel Kogan présente We Love Arabs. L’histoire drolatique d’un chorégraphe israélien qui choisit un danseur arabe pour créer une pièce porteuse d’un message de paix. Une entreprise (réussie !) de démolition du mur des préjugés.

Comment vous est venue l’idée de créer cette pièce ?

Hillel Kogan : Un festival en Israël avait suggéré de créer des pièces de danse ayant pour visée d’intervenir dans la vie quotidienne  du spectateur, d’influer sur sa vision du monde. J’avais donc imaginé une réponse ironique et satirique avec cette pièce.

Vous y critiquez le rapport danseur/chorégraphe, comme la relation Israélien/Arabe. Est-ce vraiment du même ordre ?

H. K. : Le chorégraphe utilise les danseurs comme une « matière », il les manipule pour des raisons positives et créatives, même s’il n’est pas violent. Raconter cette histoire me permet de dire comment le pouvoir israélien manipule l’image de l’Arabe. Ce n’est pas une rencontre ou un conflit entre Juif et Arabe mais entre deux images. Comment le Juif voit l’Arabe et comment il se perçoit lui-même.

Dans la pièce vous dites « Ils risquent de penser que tu es le Juif et moi l’Arabe ». Cette ressemblance est-elle selon vous l’un des nœuds du problème israélo-arabe ?

H. K. : Qu’est-ce que paraître juif ? Ou arabe ? La moitié d’Israël vient du Maroc, d’Egypte, de Tunisie… Donc il n’y a aucune différence. C’est une manière raciste de penser. En Israël, certains pensent qu’il y a une différence de nature. Par définition, Israël est un Etat Juif et démocratique. Notre drapeau est juif, tout comme notre hymne qui parle du retour à la Terre Promise. Les citoyens Israéliens arabes ne peuvent pas s’y identifier. On trouve ça à tous les niveaux du quotidien.

« On rit de la souffrance de l’existence et ça nous permet de penser. »

Peut-on échapper à une définition de soi-même autre que religieuse en Israël ? Existe-t-il une pression en ce sens ?

H. K. : Oui, c’est une pression. Sur votre carte d’identité vous êtes obligés de mettre Juif, Chrétien, ou Arabe. Je suis né Juif, mais je ne pratique pas, je ne suis pas croyant, et il faut que je m’identifie en tant que tel. C’est une réponse au trauma de l’Holocauste. Mais la conséquence est problématique sur notre quotidien, notre pensée.

Comment le vivez-vous personnellement ?

H. K. : C’est très important pour moi de manier l’autodérision, en tant que juif, qu’israélien, et en tant que chorégraphe. J’ai appris ça de Woody Allen. On peut rire de choses existentielles, humaines, violentes, déchirantes. On rit de la souffrance de l’existence et ça nous permet de penser. Si on reste dans le narratif, dans le souvenir douloureux de l’Holocauste, on reste dans la douleur, dans la nostalgie, on ne peut pas sortir de l’émotion, et il y a moins de possibilité de rencontres. Le fait d’en rire permet d’être plus rationnel.

 

Propos recueillis par Agnès Izrine

A propos de l'événement

We Love Arabs
du mercredi 6 juillet 2016 au dimanche 24 juillet 2016
Avignon Off. La Manufacture
2 Rue des Écoles, 84000 Avignon, France

A 10h40. Tél. : 04 90 85 12 71. Durée 1h25 trajet navette compris.

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