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Dialogue en improvisation entre saxophone et [...]
Avignon / 2016 - Entretien / Jacques Nichet
Sous la direction de Jacques Nichet, le comédien Charlie Nelson nous invite à nous (re)plonger dans l’écriture de Blaise Cendras. Sur le chemin d’une « parole qui s’envole toujours ailleurs »…
Quelle relation entreteniez-vous avec l’œuvre de Blaise Cendrars avant de découvrir ses écrits autobiographiques ?
Jacques Nichet : De Cendrars, je ne connaissais vraiment que La Prose du transsibérien, Les Pâques à New-York et quelques autres poèmes. La découverte récente de ses Récits autobiographiques m’a réellement bouleversé. La puissance de son imagination et la vigueur de sa langue m’ont secoué et emporté. Soudain, je voyais surgir, à côté de Proust, de Céline ou de Claudel, l’un des plus grands prosateurs du siècle dernier, qui saisissait son époque à bras-le-corps… Ce poète nous parle droit au cœur : sa franchise et sa fraternité m’émeuvent. Il nous livre sa vie sans aucun narcissisme, en la reliant à celle de ses contemporains et à la nôtre, aujourd’hui… Il lui suffit de quelques pages pour nous plonger dans la folie meurtrière de la première guerre mondiale. On est pris à la gorge…
Vous avez choisi de confier l’interprétation de ce spectacle à Charlie Nelson. Qu’est-ce qui, chez ce comédien, vous a semblé être une évidence par rapport à cette écriture ?
J. N. : Acteur sensible et généreux, Charlie Nelson nous fait entendre les différents éclats de cette épopée. Robuste, il nous évoque d’entrée de jeu le bonhomme Cendrars. Il évite soigneusement d’incarner le personnage… Il se contente – merveilleux conteur – de nous faire entendre une voix qui chemine, une parole qui s’envole toujours ailleurs…
« Son imagination lui permet de fouiller au plus profond de lui et de se découvrir étranger à lui-même… »
Vous souhaitez, à travers cette proposition, « rendre sensible le mystère de Cendrars« . De quoi se compose ce mystère ?
J. N. : Ce mystère surgit, me semble-t-il, quand l’auteur se demande, après avoir noirci du papier durant toute une nuit, qui donc a pu écrire ce qu’il est en train de relire… Cendrars en vient à rêver sa vie passée et ne cesse, nuit après nuit, de la réinventer. Son imagination lui permet de fouiller au plus profond de lui et de se découvrir étranger à lui-même… Ce bourlingueur de génie a toujours voulu aller voir ailleurs, dans les pays les plus lointains. Il est toujours en partance pour tenter de faire peau neuve. Quelle blague, il ne parvient jamais à s’échapper de lui ! Seule, l’écriture nocturne lui permet de s’évader dans ses rêves pétris de réel. Il voyage alors en lui, avec de l’encre et du papier, et nous entraîne aussitôt dans ses périples imaginaires. Il est toujours très fier de n’être jamais monté dans le transsibérien, comme il nous l’a fait croire ! Il nous a cependant permis de prendre ce fameux train qui avance à travers la toundra à la cadence des vers d’un jeune poète qui ne savait peut-être pas « aller jusqu’au bout », mais très loin, très loin quand même….
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
salle Van Gogh,
à 14h10. Relâches les 12, 19 et 26 juillet. Tél. : 04 32 76 02 79.
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