La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Une Petite Douleur

<p>Une Petite Douleur</p> - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Pierre Bodson Légende : « Festival Théâtre en CieS XV : René Georges met en scène Bash latterday plays, de Neil Labute. »

Publié le 10 avril 2007

Une note d’absurde exaspéré pour la pièce insolite de Pinter, Une Petite
Douleur
, que porte à la scène Claudia Morin accompagnée de deux acteurs
efficaces, Jean-Gabriel Nordmann et Alain Roland.

Comment raconte-t-on Pinter ? Difficilement. Le principe du jeu, pourrait-on
dire, est de ne pas céder à l’envie de faire le récit audacieux de ces petits
événements étrangement vécus et laissés à l’appréciation du spectateur,
sceptique autant que magnanime. Sur le plateau, un jardin de pelouse,
façon court de tennis anglais, où un couple d’âge mûr échange les impressions du
jour sur le chèvrefeuille et le volubilis qui embaument l’espace floral.
Edouard, qui écrit des essais théologiques et philosophiques, semblerait ne
guère distinguer toutes les variétés de fleurs que répertorie Flora, satisfaite
de ce premier jour de plein été, le plus long de l’année. Et l’épouse (Claudia
Morin épanouie), tout en babillant, va et vient entre le cellier, le grenier, la
cabane à outils qui recèle aussi le parasol que l’on installera près de la
piscine. C’est une belle ambiance de villégiature qui n?exclut pas le travail,
faite de sérénité et de contentement discret qui va jusqu’à l’anéantissement de
tout souci dans le simple bonheur de goûter l’instant présent. Un bémol
toutefois à cette paix tranquille pour Edouard, qui ressent confusément Une
Petite Douleur
, comme s’il avait mal dormi?

Jean-Gabriel Nordmann, ambigu et équivoque au possible

Quelque chose ou plutôt quelqu’un le dérange en la personne d’un piètre
marchand d’allumettes qui ne cesse d’officier sur le pas de sa porte. Un vendeur
à la sauvette démotivé qui ne semble plus attendre le client : « Pas le plus
petit effort? Ce fils de pute n?est pas marchand.
 » On va tout faire pour
que l’homme qui dérange pénètre dans la maison, un repaire de collectionneur
plein de curiosités. Peut-être a-t-il vécu là dans son enfance ? Peut-être même
est-ce Barnabé, le braconnier, qui aurait à voir de loin ou de près avec le viol
d’une fille, Flora elle-même quand elle était jeune ? On n?est sûr de rien, sauf
du talent de Jean-Gabriel Nordmann, ambigu et équivoque au possible, insatisfait
et tourmenté, ronchon et même brutal dans le rôle de l’homme embourgeoisé qui
perd tout à coup ses repères et ses certitudes. Alain Roland incarne, cape
lourde et passe-montagne, le marchand d’allumettes imprévisible et énigmatique,
une figure de sans-abri avec pleurs et rires à l’appui. Un petit morceau de
théâtre agréable qui chemine entre boulevard et polar avec un couple qui se
défait et une enquête qui n?aboutit pas. Mystère et boule de gomme, une
atmosphère décidément signée Pinter, un Anglais au-dessus de tout soupçon.

Véronique Hotte

Une Petite Douleur

De Harold Pinter, traduction René Fix, mise en scène Claudia Morin, du
mercredi au samedi à 21h, dimanche à 15h, jusqu’au 5 mai 2007 au Théâtre
Mouffetard 73, rue Mouffetard 75005 Paris Tél : 01 43 31 11 99
www.theatremouffetard.com

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