La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Une nuit de Grenade

Une nuit de Grenade - Critique sortie Théâtre Nanterre LA FORGE
Crédit photo : DR

La Forge / de François Henri Soulié / mes Jean-Claude Falet

Publié le 27 mars 2017 - N° 253

Grenade, le soir du 18 août 1936, Manuel de Falla se rend dans les bureaux du gouverneur civil, José Valdès Guzman, pour réclamer la grâce de son ami Federico Garcia Lorca. Jean-Claude Falet met en scène le texte de François Henri Soulié, qui fait dialoguer le tyran et l’artiste.

« Comment réagirions-nous si ces conditions nous rattrapaient ? »

Que raconte la pièce ?

Jean-Claude Falet : La pièce, très bien construite, s’appuie sur l’épisode de l’arrestation de Federico Garcia Lorca. Son ami Manuel de Falla, compositeur reconnu (plutôt un homme de droite même s’il n’est pas activiste), décide de se mouiller et d’aller voir José Valdès Guzman, le commandant de la place de Grenade, pour obtenir la libération de Lorca. A ces deux personnages s’ajoute un troisième, un jeune phalangiste, secrétaire du commandant, qui a connu Lorca intimement et essaie de faire un faux pour le sauver. On apprend à la fin que Lorca est déjà fusillé dès le début de la pièce. Guzman s’amuse avec Manuel de Falla en le laissant croire que tout est encore possible, et le spectateur y croit. La pièce, aujourd’hui rattrapée par l’actualité politique, explore la confrontation entre la pensée totalitaire et l’artiste. Quand les dictatures s’installent, ses premières cibles sont les journalistes, les intellectuels et les artistes. La pièce l’expose magistralement et sans manichéisme. C’est en fait l’histoire de trois chutes.

Quelles sont ces trois chutes ?

J.-C. F. : Le Guzman historique était un personnage indigent, stupide. François Henri Soulié en a fait quelqu’un de lucide et d’intelligent, et c’est d’autant plus intéressant. La mise en scène s’attache à rendre ces personnages très humains, avec leurs complexités, leurs failles, leurs faiblesses, leur courage et leur lâcheté. Guzman souffre d’un cancer de l’estomac. Très certainement opprimé et humilié par son père, il est dans une espèce de revanche. De même, Manuel de Falla n’est pas lisse. Mystique idéaliste très catholique, il se sent coupable de son passé de folies parisiennes, souffre des séquelles d’une maladie vénérienne contractée avec des prostituées et veut se racheter. Quant au jeune phalangiste, c’est un paumé, ne sachant qui croire et dans quoi s’investir, comme ces jeunesses hitlériennes dont on a exploité la misère sociale, morale, et affective pour les enrôler dans le fascisme.

Le message est donc très pessimiste…

J.-C. F. : Effectivement, il n’y a pas beaucoup d’espoir ! Mais c’est du théâtre ! Le théâtre est fait pour poser des questions et non pour donner des leçons… Comment réagirions-nous si ces conditions nous rattrapaient ?

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Une nuit de Grenade
du mardi 18 avril 2017 au vendredi 12 mai 2017
LA FORGE
19 Rue des Anciennes Mairies, 92000 Nanterre, France

Du 18 avril au 12 mai 2017. Du mardi au samedi à 20h30 ; dimanche à 16h. Relâche les 24, 28, 29, 30 avril et 1er, 4 et 8 mai. Tél. : 01 47 24 78 35.

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