Baal
Théâtre national de Strasbourg / La Colline – Théâtre national / de Bertolt Brecht / mes Christine Letailleur
Publié le 27 mars 2017 - N° 253Christine Letailleur met en scène la deuxième version de Baal, de Bertolt Brecht, au Théâtre national de La Colline. Un spectacle d’une obscurité extrême, au centre duquel Stanislas Nordey signe une impressionnante performance d’acteur.
Bertolt Brecht n’avait que 20 ans lorsqu’il écrivit Baal, son premier texte destiné au théâtre, en 1918. Achevée en quelques semaines, cette première version de l’œuvre fut suivie de quatre autres, rédigées en 1919, 1920, 1926 et 1955. C’est la deuxième d’entre elles, dans une traduction d’Eloi Recoing (venant de paraître chez L’Arche Editeur), que Christine Letailleur a investie pour mettre en scène l’errance existentielle du jeune poète vagabond qui donne son nom à la pièce. « L’œuvre de 1919 est plus troublante [que celle de 1955], avance la metteure en scène (associée au Théâtre national de Strasbourg) pour expliquer son choix, elle nous montre une part obscure de l’auteur. » Obscure, la représentation imaginée par Christine Letailleur l’est. Assurément. Mais pas seulement parce qu’elle rend compte des dérives et des excès d’un personnage qui répond favorablement à tous ses instincts, s’adonne à tous les plaisirs de la vie. Egalement parce qu’elle installe une esthétique d’une noirceur radicale, conférant à l’existence de cet artiste asocial des allures de déambulations sépulcrales.
Une descente vers les nébulosités de l’humain
Ces déambulations composent une descente lente et âpre vers les nébulosités de l’humain. Surchargée d’élans d’exaltation, d’effets d’opacité et de clairs-obscurs, cette mise en scène de Baal n’offre que très peu d’espace à de possibles ambivalences. Elle nous enferme dans une vision plus sombre que sombre de la pièce. Une vision monocorde qui génère des longueurs et quelques passages à vide. Tout cela deviendrait, sans doute, assez rébarbatif sans la présence magnétique de Stanislas Nordey. Dans le rôle-titre de la pièce, le comédien investit toute la profondeur poétique des chemins de traverse qu’il emprunte. Au sein d’une troupe de onze acteur-ices-s (dont Youssouf Abi-Ayad, Vincent Dissez, Emma Liégeois…), l’actuel directeur du Théâtre national de Strasbourg impose sa manière si particulière d’incarner et de transmettre le verbe. Son envergure impressionne. Tellurique et aérienne tout à la fois. Concrète. Inspirée. Se hissant à la hauteur de la démesure de son personnage, il fait naître un Baal impérieux. Un Baal qui est le phare dans la nuit de cette proposition sans échappatoire.
Manuel Piolat Soleymat
A propos de l'événement
Baaldu mardi 4 avril 2017 au mercredi 24 mai 2017
Théâtre National de Strasbourg
1 Avenue de la Marseillaise, 67000 Strasbourg, France
Du 4 au 12 avril 2017 à 20h, relâche le 9. Tél : 03 88 24 88 00. La Colline – Théâtre national (en collaboration avec le Théâtre de la Ville), 15 rue Malte-Brun, 75020 Paris. Grand Théâtre. Du 20 avril au 20 mai 2017. Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30. Durée de la représentation : 2h30. Spectacle vu lors de sa création au Théâtre national de Bretagne à Rennes, le 21 mars 2017. Tél. : 01 44 62 52 52. www.colline.fr
Egalement les 23 et 24 mai à la Maison de la culture d’Amiens.