Au MAIF Social Club, mille et une expériences savoureuses avec Anne-Sophie Bérard, Tania El Khoury, Mohamed El Khatib et Yohanne Lamoulère, Thierry Collet, Frédéric Ferrer…
Plus foisonnante et plus inspirante que [...]
Jean-Michel Rabeux met en scène le rêve d’une autrice écrivant enfin la force de son amour pour son père mort depuis des années. Claude Degliame et Nicolas Martel offrent voix et musique à l’écriture charnelle de Claudine Galea.
Ce texte évoque la guerre d’Algérie, la filiation, le dialogue avec la littérature…
Jean-Michel Rabeux : L’intérêt et la difficulté de ce texte, c’est qu’il recèle de très nombreux niveaux de lecture. Il y est évidemment question des guerres françaises. Seconde Guerre mondiale, Indochine, Algérie : le père, pied-noir, les a toutes faites. La proximité de la fille avec cet homme, réactionnaire mais d’une grande douceur, n’est pas culturelle mais sensible, humaine. Sa mère, dont elle était sans doute intellectuellement et politiquement plus proche, la détestait et la battait. Ce que dit ce texte ne passe pas par des idéologies mais par des êtres de chair et d’os. Claudine parle des mains de son père, de son corps mais aussi de son corps à elle : le rapport à la génération, les douleurs et le bonheur contrarié des relations entre parents et enfants sont décrits de manière très charnelle. C’est pour cela qu’à mes yeux, cette écriture appelle et rejoint immédiatement le plateau.
Comment passez-vous du texte au plateau ?
J.-M. R. : C’est tellement mystérieux ! On met un temps fou à comprendre comment on va s’y prendre. Il y a une actrice, Claude Degliame, qui joue la narratrice. En face, se tient une figure masculine qu’incarne l’acteur, chanteur et musicien Nicolas Martel. Claude dit 80 % du texte et Nicolas, outre sa part de texte, offre un contrepoint physique et musical à sa parole. Difficile, ensuite, de dire comment on fait pour rendre compte et habiter l’exigence de cette écriture. « Je ne sais pas comment faire », dit Claudine, et son texte cherche « comment faire ». Nous aussi, et la recherche fait partie du spectacle. Le réalisme ne sied pas à ce poème en prose, qui déploie des chaînes de bouleversements et de sympathies à travers l’histoire de la littérature. Claudine y dialogue avec Falk Richter, le dramaturge allemand dont le texte sur son propre père a nourri son désir d’écrire Un sentiment de vie, mais aussi avec Büchner et plus généralement avec des écrivains qui l’ont constituée.
Comment le metteur en scène que vous êtes s’inscrit-il dans l’œuvre ?
J.-M. R. : En rétablissant peut-être le dialogue avec les siècles… L’enjeu est de chercher, de trouver une langue clairvoyante qui dialogue avec les auteurs du passé pour éclairer le mystère de chaque naissance. La littérature permet de tisser une généalogie où les passions de l’enfant pour ses géniteurs peuvent enfin tenter de se dire. Là est la grandeur du texte, que l’on trahit si on laisse un seul niveau de réalité recouvrir tous les autres. Claudine ne fait jamais semblant quand elle écrit. Chaque mot compte et chaque mot est juste. C’est cela qui me touche et qui, je crois, peut toucher tout le monde, parce que tout le monde a des parents et rares sont les familles où les mots de l’amour circulent facilement.
Propos recueillis par Catherine Robert
à 19h ; relâche le dimanche et le jeudi 23 septembre. Tél. : 01 43 57 42 14.
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