Des fleurs pour Algernon de Daniel Keyes, mis en scène par Anne Kessler avec Grégory Gadebois
Grégory Gadebois reprend la pièce avec [...]
Quel rapport entretient notre société avec la mort ? Quel rôle, dans ce cadre, le théâtre peut-il jouer ? Un Sacre part d’expériences vécues pour évoquer nos disparus et nous invite à repenser la vie.
Le projet est né et a grandi pendant les confinements. Durant cette période, Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix ont interrogé plusieurs centaines de personnes autour de ce que leur évoquait le terme de « réparation ». Pour beaucoup d’entre eux, il a alors été question d’un mort. Ou plutôt des regrets, des manques, du besoin de réparation né de la mort d’un membre de leur entourage. C’est ainsi qu’est née l’idée de ce spectacle conçu autour de récits-confessions d’anonymes. L’idée aussi que le théâtre pourrait tenter de réparer, un tant soit peu, les vides laissés par ces départs. L’idée enfin que cette mort qui avait été à la fois omniprésente et refoulée ces derniers mois offrait l’occasion de réfléchir aux rapports que notre société entretient avec elle. Poursuivant, comme dans La vie invisible, un travail qui mêle de près réalité et fiction, jusqu’à les confondre, et explore par là les pouvoirs du théâtre, le duo de la metteuse en scène et de l’auteur a donc construit un spectacle où se succèdent et s’entrelacent des récits qui permettent de faire revivre les disparus mais surtout de renouer avec eux.
Une interprétation de grande qualité
Dans Un Sacre, on évoque ainsi une grand-mère pleureuse « professionnelle », un père venu du bled pour mourir ici, un greffé du cœur qui périt en sauvant un homme de la noyade, un salaud de géniteur auquel sa fille ne pardonne rien et d’autres disparus encore. Chacun leur tour, comédiennes et comédiens incarnent ces anonymes qui leur ont confié leurs récits pour en délivrer une version scénique. Pour le dire autrement, les conteurs anonymes deviennent avec eux de véritables personnages, plutôt haut en couleurs, qui explorent le besoin de réparation causé par la mort qu’ils ont évoquée. Besoin de donner un sens, d’accomplir une promesse, ou de mieux dire au revoir. Les histoires traversent des territoires très différents, des rapports variés à la mort et aux morts, arpentent des croyances religieuses, voire ésotériques ou le simple besoin de recueillement. Des chorégraphies encadrent ces récits de gestuelles aux allures de rituels, à la fois évocatrices et énigmatiques. En dépit d’une interprétation de grande qualité, la cohabitation de la confession intime et de l’exubérance théâtrale pose cependant parfois problème. Tout comme la succession des récits enclenche une certaine monotonie dramaturgique. Préférant au pathos la joie de rendre vie, fût-elle théâtrale, aux disparus que l’on évoque, Un sacre offre toutefois des morceaux de bravoure, des compositions, mémorables et réjouissantes. Surtout, le sujet est audacieux tout autant que son traitement. Et à rebours d’une société qui évacue la mort à toute vitesse du champ de la vie, le spectacle reconnecte les deux, offre un contre-pied qui donne à réfléchir.
Eric Demey
du lundi au vendredi à 19h30, samedi à 17h, dimanche à 15h. Tel : 01 48 13 70 00. Spectacle vu au CDN de Normandie Rouen. Durée : 2h30
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