Le Parlement des invisibles
Comment mixer l’Histoire de la danse, les [...]
Joëlle Bouvier met en scène une des plus belles histoires d’amour, celle de Tristan et Isolde, sur la musique de Wagner, dans une chorégraphie pleine d’émotion et de passion pour les vingt-deux danseurs du Ballet du Grand Théâtre de Genève.
« Salue pour moi le monde !» Quand Isolde dit cette phrase à Brangäne, elle est bien décidée à mourir, projetant de boire, après Tristan, le philtre qui doit les tuer tous les deux. Or ce n’est pas la mort, mais l’amour qu’elle absorbe à son insu, poison tout aussi fatal et dévastateur. En choisissant d’entrer par la passion – ce moment où l’amour et la mort se rejoignent – dans l’œuvre de Richard Wagner, Joëlle Bouvier n’a pas choisi la facilité, même si la chorégraphe a toujours su exprimer l’ardeur des sentiments. Le début baigne dans une atmosphère toute maritime. La mer revient en ressac dans les mouvements, dans les voix d’hommes lointaines, qui plantent le décor de cette tragédie atmosphérique.
La mélodie infinie du désir
Joëlle Bouvier nous fait entendre que le drame s’est noué en amont. Des scènes surgissent du noir, comme impressionnées par d’anciens rêves, Isolde brandit une épée, des groupes se forment, ralentis par des souvenirs de batailles. Peu à peu, la scène prend son souffle, s’amplifie sous la pression du chant : Tristan et Isolde se rencontrent et sombrent immédiatement dans le flot impétueux de la danse. Les vingt-deux danseurs du Ballet du Grand Théâtre de Genève deviennent le gonflement des vagues, les marins obstinés du temps qui passe, les courbes d’un littoral, le tranchant d’une lance. Portés et sauts éblouissants, courses éperdues, corps à corps affolants, baignant dans un climat magique, sinon chamanique, les danseurs volent littéralement. La gestuelle se fait âpre, au bord du chaos. Leur désir inextinguible est rattrapé par des ombres qui s’animent, tandis que le couple devient un seul et même animal traqué, acculé, basculant vers la mort qui les étreindra dans le troisième acte. Ce dernier donne lieu à la transfiguration d’Isolde qui s’évapore dans l’extase, tout le corps de ballet semblant céder à la nuit qui les enveloppe peu à peu dans ses plis.
Agnès Izrine
Les Rendez-vous chorégraphiques de Sceaux.
Du 26 au 28 mai à 20h45. Tél. : 01 46 61 36 67. Durée : 1h30. Spectacle vu à la création, le 21 mai 2015, Bâtiment des Forces Motrices, Genève.
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