Sidi Larbi Cherkaoui en grand
Dur, dur, de suivre l’actualité de Sidi Larbi [...]
Fabrice Lambert conjugue l’élégance scénographique et l’énergie chorégraphique pour conjurer les désastres écologiques dans une pièce magistrale.
Jamais assez s’inspire du film Into Eternity (2010), du réalisateur danois Michael Madsen, qui révèle la réalité du site top secret d’Onkalo (qui signifie cachette ou grotte), en Finlande. Un chantier qui doit durer cent ans pour y ensevelir des déchets nucléaires pendant 100 000 ans. Une dimension mythique et effrayante, un acte prométhéen et plus qu’inquiétant dans sa démesure. Le plateau est plongé dans la pénombre quand une ligne sombre se déroule pour atteindre le bord du plateau. Les danseurs en émergent, comme délivrés d’un sortilège sans fin. Commence alors une danse, suspensive, fluide, fascinante, à la manière d’une fugue dont les thèmes partent l’un derrière l’autre et entrelacent le passé, le présent et l’avenir. Fabrice Lambert envoie de tous côtés ses amorces qui se fondent dans la réunion d’une unité indestructible mais si fragile, composant la sensation de la masse et du poids autour d’un invisible dangereux ou menaçant.
Chronique d’une catastrophe annoncée
Les corps peuvent devenir cylindres de chair noire, membres lourds qui s’ajustent, et se propagent à tout le groupe. Sculptés par les lumières d’Yves Gladieux, les dix danseurs épousent un espace infiniment mobile, aux nuances intemporelles. Ils se meuvent en vague, en retours, en rebonds, contrepesant les volumes, essayant des envols. Leurs corps inscrivant à même l’air des signes, des traces éparses qui restent à déchiffrer. L’éclairage très travaillé nous plonge dans ce monde irréel et souterrain, soulignant les accélérations ou les alentissements du mouvement. Les humains y sont passifs, échoués, engloutis dans les ténèbres. Ils font corps avec leurs ombres, tandis que de silencieux halos de fumée envahissent l’espace. Les corps se font alors volutes, flammes qui se tordent et se dissipent dans l’éther. Ils rencontrent l’éternité à venir en s’effondrant sur eux-mêmes. Un peuple de musculatures amalgamées, témoignage collectif d’une humanité aveuglée qu’une bâche noire finira par recouvrir pour toujours.
Agnès Izrine
à 20h30. Tél. : 01 30 96 99 00. Dans le cadre de JUNE EVENTS, le 11 juin à 21h. Durée 1h00. Spectacle vu à la création le 16 juillet 2015, Festival d’Avignon, Gymnase du Lycée Aubanel.
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