Poetry
Révélation actuelle de la danse [...]
Dur, dur, de suivre l’actualité de Sidi Larbi Cherkaoui ! Rares sont les chorégraphes à être aussi productifs, à multiplier les créations, à œuvrer pour les uns, pour les autres… Aujourd’hui à la tête du Ballet Royal de Flandre tout en continuant à diriger sa compagnie Eastman, il fait une halte à La Villette. A ne pas manquer !
C’est un habitué des lieux, mais c’est chaque fois un événement. Sidi Larbi Cherkaoui cultive l’art des pièces spectaculaires, faisant même du simple duo une épopée fantastique de l’imaginaire. Ses pièces témoignent d’un amour immodéré pour le mouvement, qu’il vienne de la danse, des arts martiaux, du cirque… C’est souvent une collaboration inédite avec un artiste, une compagnie, ou un groupe, qui impulse le projet et lui donne toute son épaisseur, que ce soit avec une danseuse flamenca ou des moines shaolin, témoignant d’une imagination sans borne, et décomplexée. Son retour à La Villette nous offre sa toute dernière actualité : Fractus V, pièce pour cinq interprètes venus d’horizons très divers mais constituant là le pari même de la pièce. Une science du casting que Sidi Larbi Cherkaoui met au profit d’un projet qui prend sa source dans la réflexion du linguiste Noam Chomsky sur les concepts de liberté et de propagande. Se mettant lui-même en scène, il fait équipe avec Dimitri Jourde, circo-danseur virtuose que l’on a récemment retrouvé sur la pièce Celui qui tombe de Yoann Bourgeois, avec un danseur de lindy hop américain, un bailaor flamenco basque, un hip hopeur allemand… La musique est à l’avenant, réunissant en live un joyeux melting pot. Au total, neuf nationalités forment la tentative d’une communauté ouverte, comme une petite société tendue entre le « je » et le « nous », et posant la question de la liberté d’expression, du libre arbitre et de la manipulation.
Grand ballet métaphysique
C’est également l’idée d’un corps collectif qui guide Noetic, autre pièce présentée à La Villette. Créée en 2014 pour les danseurs de l’Opéra de Göteborg, elle fait aussi appel au travail du sculpteur Anthony Gormley et à la musique de Szymon Brzóska. Le titre de l’œuvre vient d’un terme grec signifiant « esprit de finesse », ou « capacité intérieure ». L’occasion pour Sidi Larbi Cherkaoui d’explorer des territoires où s’entremêlent élans philosophiques et élans chorégraphiques. Du flux mécanique des corps, presque automatisé, le chorégraphe parvient à extraire une matière plus fluide, rassemblant l’énergie autour d’une ondulation, et accompagnant les danseurs à travers une métaphore des différents états de la matière. Les dix-neuf danseurs traversent ainsi le tourbillon Cherkaoui, jusqu’à l’absolue figure du cercle, infinie et universelle comme la danse.
Nathalie Yokel
Noetic, du 1er au 4 juin 2016 à 20h, Fractus V, du 7 au 9 juin 2016 à 20h. Té. : 01 40 03 75 75.
Révélation actuelle de la danse [...]