La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Tout ce qui nous reste de la révolution, c’est Simon

Tout ce qui nous reste de la révolution, c’est Simon - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Mathilde Chamoux Légende photo : Les comédiens partagent leurs interrogations sur 68 avec le public.

Publié le 10 mai 2012 - N° 198

Le Collectif L’Avantage du doute questionne l’héritage de 68 dans une pièce pleine de finesse et d’humour qui vise juste sur notre époque.

C’était quoi, 68 ? Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Et la génération d’après, elle se débrouille comment avec « ça » ? Comment trace-t-elle sa route ? Judith, Mélanie et Claire, la trentaine juvénile, tentent de cerner ce que fut ce « truc » inscrit au catalogue raisonné des révolutions dans les bouquins d’histoire. Alignées sur un canapé rouge, elles triturent un fatras de questions, certes pas nouvelles, mais bien souvent glissées sous le tapis des célébrations, voire clouées au pilori d’un coup sec par « ceux que l’on fait ». Sont-ils si dérangeants finalement, ces points d’interrogation, quand ils sont balancés en guise de droit d’inventaire par les suivants, ceux qui doivent construire leur chemin dans le monde d’aujourd’hui ? Plongés dans la crise depuis l’enfance, livrés à la brutalité de la globalisation, au délitement des idéologies, confrontés au chômage, au sida, lâchés sur une planète asphyxiée par la pollution… les trentenaires se trouvent coincés à l’ombre de la stature de leurs aînés, autoproclamés « héros » révolutionnaires et désormais solidement vissés au pouvoir. Autant dire que les lendemains ne chantent guère pour eux.

Qu’est-ce que l’engagement politique ?

Les trois jeunes femmes livrent pêle-mêle réflexions, anecdotes ou bilans sur leur vie. L’une bafouille, l’autre s’emporte, la troisième sans cesse fuit la parole. Les mots hésitent, cherchent leur voie ou tirent en rafale coléreuse contre ces soixante-huitards Bobos reconvertis à l’envers de leurs idéaux mais toujours drapés dans la bonne conscience. Face à elles, Simon, la soixantaine, « ex mao qui a un bleu de travail de chez Agnès b », calvitie discrète, garde le silence puis raconte ce que fut pour lui mai 68. Acteur des « événements », figure du père tout à la fois aimé et rejeté, il se débat maintenant avec l’angoisse de la vieillesse qui guette. Mine de rien, aux détours de multiples histoires, se posent les problématiques essentielles, sur l’engagement politique, sur la difficulté d’une génération à trouver sa place, sur la quête d’un autre possible et ses désillusions. Mélanie Bestel, Judith Davis, Claire Dumas et Simon Bakhouche, qui forment le Collectif L’Avantage du doute, tressent leur propos avec finesse et drôlerie, mettant en scène les tâtonnements du langage comme révélateurs de l’embarras de notre époque. Naturel sans être naturaliste, leur jeu tutoie le spectateur et l’emmène au cœur de leurs questionnements, laissés ouverts…

 

Gwénola David


Tout ce qui nous reste de la révolution, c’est Simon, par le Collectif L’avantage du doute. Du mercredi 9 au 16 mai 2012, à 21h, sauf dimanche à 16h30, relâche lundi. Théâtre de la Commune, 2 Rue Édouard Poisson  93300 Aubervilliers. Tél. : 01 48 33 16 16. Durée 1h15. Spectacle vu au Théâtre de la Bastille.

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