La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Thomas Quillardet

Thomas Quillardet - Critique sortie Théâtre
Légende : Thomas Quillardet Crédit photo : Mélina Vernant

Publié le 10 mars 2012 - N° 196

Aventure collective

Remarquable et singulier projet que celui de monter le récit de voyage Les Autonautes de la cosmoroute de Julio Cortazar et Carol Dunlop. Thomas Quillardet le met en scène et rapporte l’originale aventure du collectif Jackart/Mugiscué.

Ce texte de Julio Cortazar a une histoire bien particulière ?

Thomas Quillardet : En effet, Cortazar et sa femme étaient chacun atteints de maladie incurable quand ils se sont lancés en 1982 sur l’autoroute entre Paris et Marseille avec leur combi Volkswagen. Ils ont ainsi passé un mois d’un drôle de voyage, à s’arrêter deux fois par jour sur les parkings, et en ont tiré ce récit toujours en équilibre entre le jeu et la mort, où l’on passe son temps à faire semblant de ne pas attendre la mort.

Quelles sont les caractéristiques de ce texte ?

T.Q. : Cortazar était un écrivain engagé dans la vie et dans sa vie. Il n’avait aucun esprit de sérieux et se tenait loin de tout appareil critique. Libre et érudit, il voulait incarner une sorte d’avant-garde populaire. On peut le comparer à Pérec comme à Régine Desforges, tant il mélangeait les genres, s’intéressant aux “mauvais genres“, – il a même fait une B.D sur les vampires. Comme beaucoup d’écrivains d’Amérique du Sud, il faisait aussi jaillir le fantastique du réel, et dans ce texte drôle et poétique, la banalité des aires d’autoroute conduit à la rêverie.

 « Un hymne à la vie, à l’amour, et au temps dilaté. »

Ce n’est pas une œuvre écrite pour le théâtre ?

T.Q. : Non, ce qui pose des difficultés, mais est également ludique. Avec les comédiens de la troupe, nous sommes partis sur l’autoroute de Cortazar et Dunlop, pour refaire leur voyage en camping-car. Chacun devait adopter une posture d’explorateur et ramener des récits, croquis, sons, odeurs. Nous avons choisi de raconter leur voyage à travers notre filtre, de mêler texte original et résultats de ce voyage et de nos impros. La langue de Cortazar étant difficile à transposer pour le théâtre, cela pose la question de l’homogénéisation des niveaux de langue, puisqu’on tente de faire en sorte qu’on ne reconnaisse pas les auteurs de toutes les micro-histoires.

Qu’est-ce qui vous a poussé vers ce texte ?

T.Q : Cortazar est un éducateur du regard sur le réel. On avait envie d’aller regarder comme lui, de prendre le temps de répéter sur les aires d’autoroute et d’éteindre les portables. On voulait chercher à comprendre pourquoi ces deux amoureux, sachant qu’ils vont mourir, décident de partir sur l’autoroute. C’est aussi une chronique sur le bonheur d’un couple, un hymne à la vie, à l’amour, et au temps dilaté. Après notre voyage, nous n’avions pas envie de retourner chez nous. Cortazar et Dunlop nous ont légué ça.

Vous parlez plus en termes de collectif qu’en votre nom…

T.Q : Cela fait six ans que je travaille avec les mêmes personnes et ma vie de théâtre est liée à eux. C’est moi qui signe la mise en scène mais dans ce projet, chaque comédien est responsable de sa partition. Je ne fais que du montage à partir des choses glanées par les acteurs.

Propos recueillis par Eric Demey


Les Autonautes de la cosmoroute de Julio Cortazar et Carol Dunlop, mise en scène de Thomas Quillardet. Du 21 mars au 19 avril au Théâtre de la Colline, 15 rue Malte-Brun, Paris 20ème.Tél : 01 44 62 52 52.

A propos de l'événement


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