Thérèse Philosophe (roman-sur-scène)
Après Du Voyage d’Onéguine en 2006, Anatoli Vassiliev retrouve le
Théâtre de l’Odéon pour une adaptation de Thérèse Philosophe, classique
de la littérature érotique clandestine du XVIIIème siècle attribué à
Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’Argens. Un « voyage au c’ur de la
sensualité féminine ».
Inspiré d’un fait-divers retentissant qui donna lieu, en 1731, à un procès
opposant un jésuite à l’une de ses jeunes pénitentes qui l’accusait de l’avoir
entraînée dans la luxure, Thérèse Philosophe dénonce l’ascendant délétère
que peut avoir la religion sur l’être humain et revendique, tant par
l’argumentation que par l’exemple, le droit à s’adonner au plaisir de la chair.
Ce récit à la première personne « donne à lire comme une sorte de désaveu
paradoxal des Lumières par elles-mêmes », commente Natacha Isaeva,
collaboratrice du metteur en scène russe, dans La Lettre de l’Odéon n°64.
« Le Dieu panthéiste de Thérèse, lointain avatar de celui de Spinoza, s’avère
être absolument indifférent à tout principe de bien ou de mal. La raison, ici,
n?a vraiment rien de pur : en son fond, elle est passion, et a partie liée avec
l’amour-propre, la vanité, l’orgueil, l’illusion. » Lumières matérialistes,
déterminismes du libertinage, mise en perspective d’un libre arbitre soumis aux
injonctions de la jouissance auto-érotique : le texte attribué à Boyer d’Argens
heurte aussi certainement les âmes pieuses que les disciples de la raison
souveraine.
Un spectacle qu’Anatoli Vassiliev mûrit depuis près de 15 ans
Par le biais du regard expérimental, utopique, sans concession d’Anatoli
Vassiliev ? regard qui pose les bases d’un théâtre croyant de façon résolue à
une vie dans l’art ainsi qu’à une dimension spirituelle de l’?uvre née de la
représentation ?, ce classique de la littérature érotique du XVIIIème siècle
devient Thérèse Philosophe (roman-sur-scène). L’occasion, pour Valérie
Dréville et le maître russe, d’ajouter une nouvelle ligne à la liste fructueuse
de leurs collaborations, et pour Stanislas Nordey, de se confronter à l’univers
radical du metteur en scène pour la première fois. « Etape par étape, Thérèse
nous expose son voyage au c’ur de la sensualité féminine », explique Natacha
Isaeva. « Sa voix revêt les cadences étranges qui sont comme la marque de
Vassiliev : pareil à la pulsation d’une passion sans frein, le rythme des
paroles bat comme un c’ur effarouché ou comme une vague noire sur le rivage.
Cette voix nous parle de secrets intimes et honteux, de thèses philosophiques,
d’intermittences amoureuses, des luttes égoïstes du désir. Et l’homme ? Et
l’acteur ? Lui transpire et s’essouffle, déclenchant une machine, puis une
autre, et encore un gadget sexuel’ »
Manuel Piolat Soleymat
Thérèse Philosophe (roman-sur-scène), texte anonyme attribué à
Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’Argens ; mise en scène, adaptation et machines
d’Anatoli Vassiliev. Du 5 au 29 avril 2007. Du mardi au samedi à 20h00, le
dimanche à 17h00. Théâtre de l’Odéon, Petite salle des Ateliers Berthier, entrée
du public : 20m après le 8 boulevard Berthier – 75017 Paris. Réservations au 01
44 85 40 40.