La Terrasse

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Théâtre - Critique

Tartuffe

Tartuffe - Critique sortie Théâtre
Photo : Elisabeth Carecchio L’Imposteur (Clément Bresson) trompé à son tour par la ruse d’Elmire (Pauline Lorillard)

Publié le 10 octobre 2008

Une mise en scène moderne et mordante d’un classique dynamisé par Stéphane Braunschweig. Le dévot grossier abat ses cartes dans la maison même de son hôte hanté par la perte du salut.

Que faire quand un chef de famille abandonne ses pouvoirs – sentimentaux et financiers – à un intrus ? Voilà la question de la pièce de Molière Le Tartuffe, créée en 1664, interdite par la Compagnie du Saint-Sacrement, intitulée en 1667 L’Imposteur et de nouveau autorisée par Louis XIV en 1669. La pièce compare le personnage de Tartuffe à un usurpateur qui endosse la robe de la religion et de la dévotion pour parvenir à des fins personnelles. Ce brigand des âmes dérobe les biens et la femme d’Orgon, le maître de céans décidément trop complaisant ; la mère de celui-ci, l’austère Madame Pernelle ( grand chic classique de Claire Wauthion), n’échappe pas non plus à l’embrigadement. Mais, comédie oblige, le reste de la maisonnée n’est pas dupe de la dévotion contrefaite affichée par l’Hypocrite. Au premier chef, Dorine la servante (gourmande Annie Mercier dans la tradition de la farce) fustige les bassesses arrogantes de l’usurpateur. Et pour affronter Orgon, ce père de famille obstiné dans l’erreur, il n’est pas trop de la sagesse du beau-frère et honnête homme Cléante (Christophe Brault, look sexy, Levis, chemise et veste clean). À ses côtés, se rangent les enfants chahuteurs et trash d’Orgon jusqu’à leur jolie belle-mère Elmire dont la vaillance n’hésite pas à tenter tous les diables.

Les profondeurs de l’intimité ont force de loi contre le Ciel.

Comment Orgon peut-il nier le double jeu du félon ? Pour le metteur en scène Stéphane Braunschweig, il est le protagoniste de l’intrigue, interprété magistralement par Claude Duparfait, sorte de psychanalyste psychanalysé dans son fauteuil de thérapeute inquiet qui oscille entre la figure rajeunie de l’Abbé Pierre et le portrait lointain de l’intellectuel Michel Foucault en col roulé blanc. Orgon incarne une personnalité déchirée dont la conscience éprouve égoïstement le besoin d’un guide, perdu entre les appels de la chair et des exigences plus spirituelles. La mise en scène révèle progressivement les contradictions de l’ascétisme prétendu de Tartuffe, incarné par le sanguin Clément Bresson dont le masque ne peut balayer les aveux maladroits d’animal calculateur. Or, le crime contre la vérité est le plus grand des crimes. La scénographie déstructure d’acte en acte l’intérieur de la bâtisse d’un couvent imposant. Le spectateur assiste à l’élévation étrange des murs de l’édifice tandis que les fondations fissurées et les soubassements craquelés se découvrent plus humides, plus glauques et plus sombres. Les profondeurs de l’intimité ont force de loi contre le Ciel et ses vaines espérances. Aussi ne reste-t-il plus qu’à rire de la farce bien terrestre que tant de fieffés menteurs s’obligent à jouer. Une belle comédie rauque aux saveurs douces-amères. 

Véronique Hotte


Tartuffe

De Molière, mise en scène de Stéphane Braunschweig, du mardi au samedi 20h, dimanche 15h, du 17 septembre au 25 octobre 2008 au Théâtre de l’Odéon place de l’Odéon 75006 Paris Tél : 01 44 85 40 40 www.theatre-odeon.fr

A propos de l'événement


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