La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Sur les cendres en avant

Sur les cendres en avant - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond-Point
Pierre Notte Crédit photo : DR

Entretien / Pierre Notte

Publié le 28 mars 2016 - N° 242

Elles sont quatre, solitudes égarées dans le décor calciné de leur vie, voisines condamnées à vivre ensemble. Elles se chamaillent, s’empaillent et rimaillent pour tenter d’échapper au naufrage tout en chantant ! L’auteur et metteur en scène Pierre Notte introduit dans le tragique de ces existences balafrées un comique grinçant qui montre l’être aux prises avec la violence du monde et la difficulté d’y trouver sa place.

Qui sont donc ces drôles de femmes ?

Pierre Notte : Éreintées par la vie, elles portent chacune un désastre intime et sont obligées de vivre ensemble depuis que la cloison qui séparait leurs appartements est tombée. L’une s’enferre dans le mensonge, la trahison, la volonté de détruire tout autour d’elle. Une autre espère sortir de sa condition mais s’abîme et se mutile les ailes. Sa grande sœur se prostitue pour subvenir à leurs besoins. La quatrième enfin veut flinguer tout le monde pour se venger de son mari. Elles incarnent différemment des figures de la catastrophe humaine et posent la question de l’autre : comment accepter son voisin quand on est condamné à la proximité, comment trouver sa place quand on est confronté au partage d’un espace ?

Pourquoi affectionnez-vous tant ces figures extraordinairement calamiteuses qui habitent presque toutes vos pièces ?

P.N. : Elles portent ce qui me passionne dans le geste théâtral : mettre en scène des individus brisés qui cherchent à trouver coûte que coûte, ailleurs et autrement, une place qui leur a été refusée, qui se débattent, s’affrontent sans pitié et se bastonnent avec les autres dans leur noyade. Finalement, au milieu du désastre, ils se sortent de leur enlisement solitaire et se reconstruisent ensemble. Ces portraits sont éminemment tragiques et ordinaires… Autant chanter ces drames pour qu’ils ne soient pas sordides !

Vous approfondissez ici votre recherche d’un théâtre chanté. Comment le chant, la musique et le texte s’articulent-ils ?

P. N. : Sur les cendres en avant ne relève pas de la revue, de la comédie musicale ou du cabaret. Contrairement à de précédentes pièces qui développaient une écriture très musicale, le phrasé ici est très banal. Je tente un genre improbable : un théâtre du quotidien chanté de bout en bout. Je crois au fond que je cherche à dépeindre la monstruosité tragique de la vie tout en la ré-enchantant à travers une forme musicale joyeuse, gracieuse, harmonieuse.

« Je cherche à dépeindre la monstruosité tragique de la vie tout en la ré-enchantant. »

Comment l’acteur peut-il dépasser cet oxymore ?

P. N. : Ce théâtre doit être tout à la fois joué et chanté, ce qui demande un travail de précision extrêmement complexe. La musique et le chant impriment non seulement leur rythme mais aussi des couleurs d’émotions, des sentiments. L’intention de jeu s’en trouve sans cesse bouleversée. Les comédiennes ont su réaliser cette alliance impossible !

Vous traquez le tragique, mais vos pièces sont drôles, atrocement drôles même…

P. N. : Le comique naît de l’accumulation de catastrophes. Je ne peux écrire des comédies qu’en passant par le tragique…

Entretien réalisé par Gwénola David

A propos de l'événement

Sur les cendres en avant
du jeudi 14 avril 2016 au samedi 14 mai 2016
Théâtre du Rond-Point
2 Avenue Franklin Delano Roosevelt, 75008 Paris, France

à 21h, sauf dimanche 15h30, relâche les lundis, le 19 avril, les 1er, 5 et 8 mai. Tél. : 01 44 95 98 21.

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