L’imaginaire comme arme contre l’oppression
Didier Bezace présente Que la noce [...]
Dans la veine des propositions du Studio Théâtre de Stains dont elle assure la direction artistique, la metteur en scène Marjorie Nakache crée Le Cabaret de 4 sous. Une comédie opéra pour démonter joyeusement et en musique le cynisme ambiant.
Pourquoi avoir retenu cette pièce iconoclaste de Brecht ?
Marjorie Nakache : J’ai toujours aimé cette pièce plus fidèle qu’aucune autre à ce mot de Brecht que je fais mien : « Un théâtre qui ne divertit pas est un théâtre mort ». A John Gay, Bertolt Brecht emprunte, outre certaines des figures de l’Opéra de Quat’Sous, le concept d’anti-opéra porté par la même ambition que le dramaturge anglais, celle de « faire un théâtre populaire et poétique ». J’ai décidé de ne plus reculer devant la difficulté des moyens, au regard notamment du nombre des personnages nécessaires à la mise en scène de cette pièce que je trouve pleine de résonances avec ce que nous vivons aujourd’hui.
Comment avez-vous contourné cette difficulté de moyens ?
M.N : L’introduction de marionnettes m’a permis de distancier le texte. Et j’ai pu le faire grâce à l’amitié qui me lie à la conceptrice marionnettiste Alexandra-Shiva Mélis. Son art de mélanger le vrai et le faux, sa maîtrise de la manipulation, m’ont ouvert la possibilité d’oser. Je pouvais grâce à elle envisager de faire quelque chose de cette pièce qui me tenait plus à cœur que jamais dans le contexte qui est le nôtre, sans rien céder au misérabilisme ambiant sur le plan esthétique, en trouvant, au contraire, dans la contrainte imposée par la pénurie, de nouvelles ressources imaginatives.
Vous rejoignez ce théâtre de « la ruse brechtienne »…
M.N : Le Cabaret de 4 sous est avant tout un spectacle basé sur le mouvement. Nous l’avons rêvé musical et toniquement jubilatoire. La présence de musiciens sur scène ouvre un second plan de lecture, rythmant la narration, créant des ellipses de temps, de lieux. Cette musique vivante qui dépasse le temps et les frontières, rengaines des errances et des rêves, nous renvoie en pleine figure notre terrible réalité sociale de façon elle aussi distanciée. Notre lecture de la pièce refuse le premier degré pour mieux faire s’entrechoquer la magie d’un univers et la cruauté d’un propos.
Propos recueillis par Marie-Emmanuelle Galfré
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