Kroum l’ectoplasme
La compagnie Mack et les gars pousse les murs [...]
Fida Mohissen adapte Un jour de notre temps et Le Viol, du dramaturge syrien Saadallah Wannous, en un spectacle qui se veut « parole utile », œuvrant à la « contemplation active de l’Histoire ».
A l’heure où la Syrie agonise, le Théâtre Jean-Vilar de Vitry confie au metteur en scène Fida Mohissen, qui a passé son jeune âge à Damas et au Liban, le soin de faire entendre la parole de son compatriote Saadallah Wannous. Selon les mots de Gérard Astor, directeur du Théâtre Jean-Vilar, il s’agit « de nous donner à voir l’humanité dans sa justice et sa douceur, dans sa violence et sa perversité », pour « voir, comprendre, agir ». Fida Mohissen a tressé ensemble Un jour de notre temps et Le Viol pour un spectacle composé d’une succession de tableaux palestiniens et israéliens, permettant d’éclairer ce conflit qui gangrène le Moyen-Orient. « Un jour de notre temps décrit le mécanisme de la destruction systématique de l’homme par l’homme, les méthodes que le pouvoir utilise pour appauvrir méticuleusement et assujettir l’individu, pour démembrer la société syrienne », et « Le Viol relate le conflit israélo-palestinien, l’affrontement de deux sociétés et de deux cultures », dit Fida Mohissen.
Analyse et émotion
Afin d’étayer l’idée selon laquelle le conflit supposé indépassable entre ces cultures qui s’affrontent, n’est que le masque de rapports de pouvoir entre dominants et dominés installés dans chacun des deux camps, les comédiens traversent les deux histoires et y interprètent des rôles en miroir : de part et d’autre des frontières de la haine, même structure d’oppression, même gabegie. De plus, « pour éviter aux textes de Wannous un traitement naturaliste qui risque de les rendre anecdotiques, redondants ou exotiques », Fida Mohissen choisit de cultiver la distance entre les comédiens et les personnages. Le « dit » importe davantage que l’image et l’incarnation, car « la parole a la vertu de laisser le temps au propos. Elle permet d’instaurer une distance et de laisser la place à l’analyse, tout en ayant la capacité d’aller droit au cœur et d’éveiller des émotions ». Entre analyse et émotion, Fida Mohissen compose donc un spectacle de résistance pacifique, qui se veut « un grain de sable sur la route du tragique ».
Catherine Robert