La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Belle du Seigneur

Belle du Seigneur - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête
© Marc Ginot

Belle du Seigneur / d’Albert Cohen (extraits) / mes Jean-Claude Fall et Renaud-Marie Leblanc

Publié le 11 novembre 2012 - N° 203

Jean-Claude Fall met en scène avec Renaud-Marie Leblanc les soliloques d’Ariane dans sa baignoire, avec Roxane Borgna dans le rôle de la grande amoureuse. Un spectacle sur les méandres de l’amour, à travers la langue somptueuse et sensuelle d’Albert Cohen. Entre vie réelle et vie rêvée, les confidences d’Ariane mettent à nu la pensée et s’immergent dans l’intimité de la vérité. 

Comment est né ce spectacle ?

« Cette écriture me touche beaucoup, peut-être parce qu’on est tout près de l’inconscient. »

Jean-Claude Fall : Il a été créé dans une première version d’une vingtaine de minutes à l’occasion du spectacle Famille d’artistes … et autres portraits d’après Famille d’artistes de Kado Kostzer et Alfredo Arias, que j’avais mis en scène et qui a donné lieu à une carte blanche, pour laquelle Roxane Borgna avait proposé de créer les soliloques d’Ariane dans la baignoire. Cette version a ensuite été développée et a tourné avec beaucoup de succès. Nous l’avons mise en scène avec Renaud-Marie Leblanc. Ces soliloques racontent Belle du Seigneur et ses étapes : le ratage du mariage d’Ariane et Adrien, la rencontre avec Solal, l’amour absolu puis la mort. Immergée dans la baignoire, Roxane Borgna plonge dans la langue musicale et sensuelle d’Albert Cohen avec appétit et virtuosité. La baignoire peut être vue comme un monument funéraire, même si le spectacle est très joyeux, vif et dynamique.

Le désir ici mène finalement à la destruction…

J.-C. F. : Belle du Seigneur est certes devenu un grand roman d’amour emblématique, mais Albert Cohen a voulu dénoncer cet amour passion qui conduit à s’extraire du monde, car l’amour ne résiste pas à l’enfermement du couple. Cet amour fou et idéalisé définit le désir, et ici il se replie sur lui-même et mène à la mort.

L’amour, c’est être au monde, ce n’est pas être seuls au monde.

Comment caractérisez-vous la langue d’Albert Cohen ?  

J.-C. F. : Ces soliloques reflètent vraiment l’écriture irrésistible d’Albert Cohen, complètement orale. C’est une écriture qui parle ! Albert Cohen dictait les textes de ses livres qui étaient ensuite tapés à la machine. Tout comme celle de Dostoïevski, l’écriture d’Albert Cohen semble délivrée du geste de mise en forme sur le papier, comme s’il essayait de se rapprocher le plus possible d’une pensée immédiate, suivant des méandres imprévisibles ancrés au plus profond des êtres. Cette écriture me touche beaucoup, peut-être parce qu’on est tout près de l’inconscient. Et c’est aussi sans doute à cause de cette immédiateté vertigineuse, au cœur de l’intime, qu’Albert Cohen parvient à exprimer des choses aussi puissantes sur le désir, masculin ou féminin. Le spectacle donne à voir cette écriture qui ne dissimule rien, où le corps s’engage,  où la pensée se met à nu dans une grande proximité avec le public.

Propos recueillis par Agnès Santi

 

A propos de l'événement

Belle du Seigneur
du jeudi 15 novembre 2012 au dimanche 16 décembre 2012
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris

Du 15 novembre au 16 décembre, du mardi au samedi à 19h45, dimanche à 15h30. Tél : 01 43 28 36 36.
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