Stéphane Varupenne monte « Le Suicidé » de Nicolaï Erdman
Comédie-Française / d’après Nicolaï Erdman / mise en scène de Stéphane Varupenne
Publié le 25 septembre 2024 - N° 325Entrée au Répertoire du Suicidé, de Nicolaï Erdman : Stéphane Varupenne le met en scène et en musique et offre à ses camarades du Français l’occasion d’une comédie drôle et grinçante.
Comment abordez-vous cette pièce ?
Stéphane Varupenne : On y va gaiment ! À la lecture, plus nous avancions dans le travail, plus nous riions ! Erdman, comme Gogol avant lui, dépeint son époque sombre avec humanité et joie féroce. Je conserve l’environnement historique de sa composition, au moment du tournant totalitaire pris par Staline, avant les purges de 1933. Même si je me permets quelques légers anachronismes, j’ai trouvé peu pertinent de l’actualiser, tant son contexte historique est fort. La pièce raconte l’histoire de Sémione, un chômeur qui vit aux crochets de sa femme et de sa belle-mère. De la dispute à propos d’une envie nocturne de saucisson, naît la rumeur d’un possible suicide que tous les représentants des corps sociaux s’empressent de marchander, cherchant un martyr pour leurs propres causes. Sémione lui-même voit dans cette place de martyr une occasion de donner du sens à son existence, mais l’envie de vivre le rattrape…
« Erdman est un dialoguiste de génie. »
Quels choix de mise en scène ?
S.V. : La pièce est très rythmique, très musicale : Erdman est un dialoguiste de génie. J’ai demandé une nouvelle traduction à Clément Camar-Mercier qui a accompagné les répétitions pour ciseler le texte. Tout commence dans la chambre d’un appartement communautaire. L’action démarre donc dans une petite boîte, comme si les personnages étaient enfermés dans un théâtre de marionnettes et étaient les jouets de l’histoire. À mesure que l’espoir d’un avenir meilleur renaît, l’espace s’agrandit et la petite boîte s’insère dans une plus grande, jusqu’à une déréalisation complète. La musique joue aussi un rôle majeur dans cette mise en scène, accompagnant l’action comme on le faisait avec les films muets, par le soulignement ou le contrepoint.
Quel est le rire que fait naître la pièce ?
S.V. : Un rire très particulier, un peu jaune, qui tire de la joie du désespoir, qui plaisante dans l’angoisse, avec un humour très fin, par lequel, même au bord de la mort, on ose encore une petite pirouette. Le pari était de réussir à faire surgir le pathétique de l’équilibre entre rire et tragédie pour souligner l’absurdité de nos vies, pour ausculter les travers et les lâchetés humaines et retrouver, malgré tout, l’espoir de lendemains qui chantent. C’est aussi un rire qui permet de contourner la censure, donc un rire politique. Et c’est peut-être surtout le rire collectif d’une troupe joyeuse. J’ai la chance de connaître mes camarades de l’intérieur : j’ai donc essayé de trouver ceux dont la nature correspondait aux personnages, en les choisissant pour leurs qualités autant que pour leurs défauts. Et j’ai pu proposer à Jérémy Lopez le rôle de Sémione, qui lui va comme un gant !
Propos recueillis par Catherine Robert
A propos de l'événement
Stéphane Varupenne monte « Le Suicidé » de Nicolaï Erdmandu vendredi 11 octobre 2024 au dimanche 2 février 2025
Comédie-Française Salle Richelieu
place Colette, 75001 Paris
En alternance ; matinées à 14h et soirées à 20h30 ; calendrier détaillé et réservations sur www.comedie-francaise.fr