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Stabat Mater Furiosa

Stabat Mater Furiosa - Critique sortie Théâtre
Légende photo : Anne Conti Légende photo Catriona Morrison donne corps à la colère poétique de Jean-Pierre Siméon, dans une mise en scène d’Yves Lenoir.

Publié le 10 janvier 2009

Anne Conti et Catriona Morrison donnent corps, dans deux mises en scène différentes, au poème révolté de Jean-Pierre Siméon qui dénonce la violence guerrière.

Un cri, immense, incandescent, qui brûle les ombres de la conscience et frappe au cœur. Ce cri est celui d’une femme. Révoltée, furieuse. Elle dit l’horreur écarlate des corps broyés dans la machine guerrière, par-delà les larmes et la raison. « Je suis celle qui essaie de comprendre par la colère, comme la cascade comprend la roche par la colère » lance-t-elle, dressée comme un poing serré à la face de l’Histoire. Le poète Jean-Pierre Siméon a écrit Stabat Mater Furiosa en 1997, pour une comédienne, Gisèle Torterolo, lors d’un séjour de trois semaines au Liban. Fouetté par les images meurtrières du Rwanda, des Balkans, de la Tchétchénie, qui frappaient l’actualité quotidienne, le verbe libère la douleur comprimée dans les chairs, dans le ventre, dans le cœur face la violence barbare. Un jour, Anne Conti a rencontré cette parole « poétique et politique » qui « dépasse l’anecdote, les frontières, les races et les époques. ». Depuis, elle ne l’a plus lâchée. Il en fut de même pour Catriona Morrison. « Jean-Pierre Siméon est un orfèvre, dit Yves Lenoir. Le lyrisme suppose « la voix en action » comme l’écrivait Paul Valéry. J’ai cherché à ce que l’écriture soit constamment performative. J’ai gratté jusqu’à la structure profonde du texte, jusqu’aux mouvements en deçà de la syntaxe pour me trouver au plus juste de cette parole sans ajouter un quelconque commentaire. J’ai ensuite demandé à la comédienne de trouver la fatigue émotionnelle, d’épuiser davantage la chair que le dessin des mots ».
 
Comment donner à voir cette parole ?
 
Pour Anne Conti, « Le piège était de plonger dans le furiosa et l’autre était de l’éviter. Ce texte est un coup de poing verbal et une partition. ». Sous le regard de Patricia Pekmezian, qui cosigne avec elle la mise en scène, elle a travaillé l’affrontement tout en sculptant les nuances, s’est immergée dans l’écriture jusqu’à toucher les subtilités, les reliefs, les échappées, les retenues, les pudeurs et impudeurs. Sur scène, elle laisse venir la cavalcade des mots, accompagnée par Rémy Chatton aux cordes et Vincent Le Noan aux percussions. « La scénographie est celle d’un concert : il n’y a à voir que ce qui sert au son. La lumière tranche les espaces. Elle parle de nos éclats et de nos ténèbres. Je l’attire, l’évite, la cherche. Elle m’encadre ou me perd. ». Pour Yves Lenoir, ce monologue appelle également la musique. « Le texte avance, conduit, soulève, et exhorte. Il fallait donc le rythme. La transe, le beat, l’ostinato sont avant tout plastiques. » Patricia Dallio, compositrice et musicienne, a suivi les impulsions de la langue, son grondement qui gonfle lentement, irrépressiblement, jusqu’à l’insurrection. « J’ai fait le choix radical de mettre les spectateurs debout sur le plateau avec la comédienne, ajoute-t-il. Cela n’est pas une expérience, simplement un partage de la scène. ». Un choix politique donc.
 
Gwénola David


Stabat Mater Furiosa, de Jean-Pierre Siméon, dans la mise en scène d’Anne Conti et Patricia Pekmezian, du 8 janvier au 1er février 2009, à 19h, sauf dimanche 15h, relâche lundi et mardi, puis dans la mise en scène d’Yves Lenoir, du 28 janvier au 15 février 2009, à 21h, sauf dimanche 16h, relâche lundi et mardi, à la Maison de la Poésie, Passage Molière, 157 rue Saint-Martin, 75003 Paris. Rens. 01 44 54 53 00 et www.maisondelapoesieparis.com. . Texte publié aux Solitaires intempestifs, de même que Quel théâtre pour aujourd’hui ? (petite contribution au débat sur les travers du théâtre contemporain).

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