La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Splendeur, de Abi Morgan, entretien avec Delphine Salkin

Splendeur, de Abi Morgan, entretien avec Delphine Salkin - Critique sortie Théâtre Lieusaint Théâtre-Sénart
© Eric Miranda Delphine Salkin

texte de Abi Morgan / traduction Daniel Loayza / mes delphine Salkin

Publié le 19 décembre 2019 - N° 283

Célèbre dramaturge et scénariste britannique méconnue en France, Abi Morgan brosse le portrait d’un quatuor féminin au crépuscule d’une dictature. Une partition nourrie de variations sur un thème et une remarquable matière à jeu, que nous découvrons grâce à la metteure en scène Delphine Salkin. En compagnie de Christiane Cohendy, Laurence Roy, Anne Sée et Roxanne Roux.    

Que raconte la pièce ? Dans quel espace-temps ?

 Delphine Salkin : Nous sommes dans la luxueuse résidence privée d’un dictateur imaginaire. L’ambiance : une dictature balkanique tout aussi imaginaire quelque part entre la Roumanie de Ceaucescu et la future ex-Yougoslavie, vers la fin du XXème ou le début du XXIème siècle. Quatre femmes attendent le retour du tyran Oolio chez lui. Son épouse, sa meilleure amie, une journaliste étrangère qui ne parle pas la langue, et sa jeune interprète. Toutes les quatre parlent de Toy Story, de sacs Prada, de vodka-piment, du tableau qu’a peint le mari de l’une d’entre elles… Elles n’en pensent pas moins. Et nous les entendons du dedans et du dehors : leurs paroles, mais aussi leurs réflexions, pendant qu’elles font connaissance et s’observent, se méfient souvent, se confient parfois. Dehors la neige tombe, la guerre civile se rapproche. Et le dictateur n’arrive toujours pas… L’écriture procède un peu par thèmes et variations : la pièce revient plusieurs fois sur les mêmes moments pour construire et approfondir un portrait de groupe, tracer le relevé des tensions qui sous-tendent les rapports de ces quatre femmes à mesure qu’elles découvrent la vérité de leur situation : Oolio ne viendra jamais. Les masques peuvent tomber. Ou non. De toutes façons, un monde s’est achevé.

Quel regard portez-vous sur cette écriture très musicale ?

 D . S. : L’écriture est musicale par son orchestration : elle est véritablement un quatuor, à part égale pour chaque actrice. J’ai la chance d’être entourée par des comédiennes formidables : Christiane Cohendy, qui a été immédiatement conquise par cette façon si singulière de raconter une fin de dictature du point de vue féminin, Laurence Roy, Anne Sée et Roxanne Roux. La composition, assez secrète au départ, se dégage peu à peu et fait appel à la mémoire complice du public. Et pourtant, ce n’est pas une écriture formelle. Elle a une efficacité très concrète, et fournit une extraordinaire matière aux quatre actrices. Elles ont à concilier plusieurs codes de jeu, à les accorder rythmiquement. La multiplicité même des approches et des modes d’incarnation renforce leur présence de personnage et nous fait entendre aussi ce qui n’est pas dit : les frustrations anciennes, les drames, l’abus de pouvoir masculin, la terreur politique et la corruption, la mauvaise conscience, aussi… Ce sont les actrices qui éclairent le texte en lui donnant vie, insufflant un relief particulier à chaque variation. Comme des musiciennes !

« Derrière le kaléidoscope des apparences, il y a quatre logiques intimes qui se heurtent. »

Quels sont vos partis pris de mise en scène ?

 D . S. : J’ai décidé de suivre un fil rouge secret qui est le point de vue de la journaliste étrangère, Kathryn. Elle se découvre témoin, et comprend de quoi elle est témoin, un peu comme nous découvrons le fonctionnement de la pièce : derrière le kaléidoscope des apparences, il y a quatre logiques intimes qui se heurtent, et c’est de leur choc que le sens va se dégager pour chacune. Il y a un côté ludique aussi, avec beaucoup d’humour. Tout à coup, nous revenons à un point de départ et la scène reprend quasiment à l’identique. Mais tout se joue dans les petites différences, telle réplique qui saute, telle accélération, tel virage qui ouvre un autre point de vue sur ce qui se raconte. Le public est convié à une écoute très active du spectacle. La mise en scène accompagne le puzzle qui se reconstitue sous les yeux du spectateur.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Splendeur, de Abi Morgan, entretien avec Delphine Salkin
du lundi 21 janvier 2019 au vendredi 25 janvier 2019
Théâtre-Sénart
Carré Sénart, 8-10 Allée de la Mixité, 77127 Liausaint-Sénart

Les 21 et 24 janvier à 20h30, les 22 et 23 à 19h30, le samedi 25 à 18h. Tél : 01 60 34 53 60.

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