La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Phèdre de Jean Racine, mise en scène par Brigitte Jaques-Wajeman, rencontre.

Phèdre de Jean Racine, mise en scène par Brigitte Jaques-Wajeman, rencontre. - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre des Abbesses
La metteuse en scène monte une pièce de Racine pour la deuxième fois © D.R.

de Jean Racine / mes Brigitte Jaques-Wajeman

Publié le 19 décembre 2019 - N° 283

Considérée comme une spécialiste de Corneille, Brigitte Jaques-Wajeman explore cette fois le chef-d’œuvre de Racine : Phèdre.

Est-ce une suite logique pour quelqu’un qui comme vous s’intéresse à la dimension charnelle de la langue ?

Brigitte Jaques-Wajeman : Dans un sens, oui. J’avais l’impression d’être allée au bout d’un chemin avec Corneille, mais l’idée d’abandonner l’alexandrin me faisait de la peine. J’avais également envie de continuer avec Racine dans la mesure où une actrice que j’aime beaucoup et avec qui j’avais déjà travaillé, Raphaèle Bouchard, allait jouer le rôle de Phèdre. Nous en avions très envie toutes les deux.

 Qu’est-ce qui vous appelle dans Phèdre ?

B. J.-W. : C’est une pièce que j’adorais quand j’étais très jeune. On n’a jamais été aussi loin dans la description de la folie érotique des femmes. Il y a quelque chose d’extraordinairement violent, un emportement du désir qui est hallucinant. L’inverse de Corneille : même si toutes ses héroïnes vont mourir, elles témoignent une résistance, un assentiment à la vie. Tandis que Racine va au plus profond des pulsions les pires, des pulsions où se mêlent l’effroi et la jouissance.

« On n’a jamais été aussi loin dans la description de la folie érotique des femmes. »

 Quand une pièce est aussi célèbre, est-il difficile de s’affranchir de tout ce qu’on a pu voir ou lire sur elle ?

B. J.-W. : Je n’en ai pas vu tant que cela : celle d’Antoine Vitez dont j’étais l’élève, celle de Patrice Chéreau qui était très tendue. J’avais le sentiment que m’encombrait un peu tout un discours sur Phèdre, par exemple qu’au fond, Hyppolite serait séduit par elle, ce que je ne crois pas du tout. J’ai eu besoin de quelques mois pour retrouver un champ de travail qui était le mien.

 Être une femme metteuse en scène change-t-il quelque chose à la vision du personnage de Phèdre ?

B. J.-W. : Probablement. Nous avons toutes une sorte d’intimité avec elle. Toutes les femmes que je connais adorent Phèdre, je pense que d’une certaine façon elles rencontrent quelque chose d’elles-mêmes dans ce personnage – ce rapport à la sexualité peut-être. Racine va au-delà de tout. La façon dont il raconte la rencontre entre Phèdre et Hyppolite, par exemple : un seul regard et tout à coup le corps se met dans un état insensé. Phèdre a froid et brûle en même temps : il y a comme la description d’une petite mort. Et ce qui est extraordinaire, c’est que Racine touche à la sexualité, à ce qu’elle a de plus étrange, angoissant, effrayant, bouleversant et jouissif, dans une langue inouïe.

Entretien réalisé par Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

Phèdre de Jean Racine, mise en scène par Brigitte Jaques-Wajeman, rencontre.
du mercredi 8 janvier 2020 au samedi 25 janvier 2020
Théâtre des Abbesses
31 rue des Abbesses, 75018 Paris

Durée estimée : 2 heures. Tél. : 01 42 74 22 77.

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