Saül Le metteur en scène australien Barry Kosky signe une mise en scène splendide de l’oratorio de Haendel.
de Georg Friedrich Haendel / mes Barry Kosky / dir Laurence Cummings
Publié le 22 janvier 2020 - N° 283Le metteur en scène australien Barry Kosky signe une mise en scène splendide de l’oratorio de Haendel. Une vision ébouriffante d’impertinence, d’intelligence dramatique et de vitalité, soutenue avec talent par Laurence Cummings à la baguette.
Qui pense l’oratorio un genre austère et dépouillé doit réviser son jugement. Non seulement ce n’est pas le cas chez Haendel dont le Saül offre une matière dramatique viscérale (la jalousie du roi d’Israël envers David) et une musique d’une texture somptueuse, mais encore moins chez Barry Kosky dont la mise en scène charnelle et pleine de vie ne cesse de susciter l’émotion. C’est d’ailleurs un « ah ! » de surprise qui accueille le lever de rideau, le public de la première exprimant ainsi son saisissement à la vue de l’immense table de banquet chargée de fleurs et de fruits où chanteurs et danseurs, assis ou allongés à même la nappe, se confondent presque avec les victuailles. Le tout sur un plateau fortement incliné qui accentue l’impression de profondeur tandis qu’au sol, une sorte de tourbe noire laisse apparaître David triomphant, avec à ses côtés la tête de Goliath encore fumante. Cette scène inaugurale représente bien le travail de Barry Kosky : l’Australien signe des tableaux visuels impressionnants, qui peuvent évoquer tour à tour l’exubérance d’un Arcimboldo, les outrenoirs d’un Soulages ou la désolation d’un Bruegel, mais il n’oublie jamais qu’il est un bomme de théâtre et comme tel, insuffle à ces tableaux vie, sensualité… et souvent impertinence ! Chez lui, les femmes, loin d’être évanescentes, hurlent de rage et expriment nettement leurs désirs ou leurs répulsions, tandis que le roi Saül reste avant tout un humain, y compris lorsqu’il rugit un pathétique, bouleversant et rageur « I am the King ».
Énorme investissement des chanteurs
Dans cette atmosphère éminemment shakespearienne, les danseurs et chanteurs (chœurs et solistes), bien que soumis à rude épreuve tant à cause de la déclivité de la scène que parce qu’ils sont constamment sollicités entre chant, jeu et danse, répondent admirablement aux exigences du metteur en scène. Est-ce cet énorme investissement qui a causé le remplacement de deux chanteurs ? On regrette que Christopher Purves, souffrant lors de la première, soit contraint à uniquement jouer Saül sur scène, laissant la partie vocale en fosse à Igor Mostovoi – qui se tire honorablement de cet exercice frustrant. Le rôle de Jonathan, initialement dévolu à Benjamin Hulett, est finalement tenu par David Shaw qui ne démérite pas, tout comme Karina Guavin, Merab à la voix aussi corsée que bourrée de personnalité, Anna Devin, Michal pleine de fraîcheur et de caractère, ou Christopher Ainslie qui, malgré une certaine acidité parfois dans la voix, interprète un David sensible et émouvant. Considéré comme un spécialiste de Haendel, Laurence Cummings prouve que sa réputation n’est pas usurpée. Dirigeant l’orchestre des Talens lyriques, il sait restituer avec précision et souplesse la grande palette instrumentale de Haendel, souvent vaillante voire martiale, mais aussi délicate et raffinée. L’accueil triomphal est mérité. Plus que cinq représentations au Châtelet, courez !
Isabelle Stibbe
A propos de l'événement
Saüldu mardi 21 janvier 2020 au vendredi 31 janvier 2020
Théâtre du Châtelet
Place du Châtelet, 75001 Paris.
Mardi 21 janvier, jeudi 23 janvier, samedi 25 janvier, lundi 27 janvier, mercredi 29 janvier, vendredi 31 janvier à 20h. Tél. : 01 40 28 28 40. www.chatelet.com. Durée : 3h15 avec entracte.