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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Classique / Opéra - Entretien

Le Sirba Octet de l’intime à l’universel, rencontre avec Richard Schmoucler

Le Sirba Octet de l’intime à l’universel, rencontre avec Richard Schmoucler - Critique sortie Classique / Opéra Besançon
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Richard Schmoucler © Bernard Martinez

CLASSIQUE - MUSIQUES DU MONDE

Publié le 8 janvier 2020 - N° 283

Ancien élève d’Ivry Gitlis et de Tibor Varga, Richard Schmoucler est depuis 1998 violoniste à l’Orchestre de Paris. Avec le Sirba Octet, dont il est le fondateur et directeur artistique, il interprète les musiques qui l’accompagnent depuis toujours et en révèle la force humaniste et universelle.

Depuis plus de quinze ans, le Sirba Octet interprète le riche répertoire des musiques d’Europe de l’Est. Chaque programme, par le mélange de traditions (klezmer, yiddish, tzigane), fait revivre, avec toute la virtuosité de ses huit musiciens, une musique à la fois festive et émouvante, qui véhicule toute la force des émotions humaines. Ensemble unique en son genre, le Sirba Octet perpétue la lignée des musiciens – de Brahms à Bartok et Dohnanyi – qui ont su restituer l’âme de ces musiques, avec toujours l’envie d’en faire découvrir la richesse au public le plus large.

Quel désir vous a poussé, en 2002, à fonder le Sirba Octet ?

Richard Schmoucler : Un désir, inconscient probablement, lié à une situation émotionnelle. J’ai perdu mes parents à trois ans d’intervalle. Pendant six ans, il m’a été tout simplement impossible d’écouter ces musiques qui avaient accompagné mon enfance, toute ma vie même, et me reliaient à eux. Mais en 2002, il m’est apparu comme une évidence de proposer un programme klezmer avec mes amis de l’Orchestre de Paris, nourri aussi de ma culture de musicien classique. J’ai ressorti mes vinyles, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps mais j’ai tout de suite su quelle formation il me faudrait : quintette à cordes, piano, clarinette et cymbalum.

Le répertoire s’est-il lui aussi tout de suite imposé ?

R.S. : C’est vraiment parti de ces musiques que j’écoutais enfant, en famille. Non seulement le klezmer, mais aussi les mélodies yiddish, les chants russes, les musiques tzigane, moldave, roumaine… Les projets sur lesquels nous travaillons actuellement incluent aussi des musiques arméniennes. Toutes ces musiques sont profondément humaines, émotionnelles, transmissibles. De ce point de vue, il est facile de se les approprier.

« TOUTES CES MUSIQUES SONT PROFONDÉMENT HUMAINES, ÉMOTIONNELLES, TRANSMISSIBLES. »

Quelle est la particularité du Sirba Octet dans ce répertoire ?

R.S. : D’abord, c’est que nous sommes tous musiciens classiques et musiciens d’orchestre, sauf notre cymbaliste, Iurie Morar, qui lui vient pleinement de la tradition orale. En ce sens, nous perpétuons une tradition, qui est de s’emparer de musiques traditionnelles, orales, pour les amener vers une écriture « classique », comme l’ont fait Brahms, Bartok, Dvorak, Stravinsky… À terme, nous envisageons d’éditer nos partitions, pour permettre aux jeunes musiciens de jouer, de perpétuer cette musique et, aussi, de la rendre plus universelle.

Peut-on parler d’une rencontre entre musiques savantes et populaires ?

R.S. : C’est la jonction de deux approches de la musique. Il y a une admiration réciproque : chacun sait faire ce que l’autre ne sait pas faire. Souvent, les musiciens traditionnels ne lisent pas la musique mais en Roumanie les gamins dorment littéralement sur le cymbalum et, tout jeunes, ils apprennent les contretemps, d’abord hyper lentement, jusqu’à développer une virtuosité extraordinaire. Mêler tradition classique et orale comme nous le faisons, ainsi que des musiques issues de cultures différentes, c’est notre façon d’abolir les frontières. Nous sommes un ensemble « humanitaire ».

Cette jonction passe par un important travail d’arrangement.

R.S. : Sans arrangements, Sirba n’existerait pas. Sur chaque pièce, nous créons huit voix qui n’existent pas dans la version originale, tout en cherchant à garder l’âme de la musique, ce qu’elle raconte. Les arrangements sont vraiment un travail collectif, assez proche de ce que font les musiciens de jazz avec les standards. J’envoie des enregistrements à Cyrille Lehn, notre arrangeur, avec déjà des idées d’instrumentation, en pensant à chacun des musiciens, à leur talent spécifique. Cyrille, qui est professeur d’écriture au CNSM, a une culture, une palette stylistique que j’utilise au maximum. Notre travail repose aussi beaucoup sur l’instinct, l’instinct du rythme, de ce qui va fonctionner, de ce qui va surprendre, émouvoir, provoquer quelque chose.

Diriez-vous que le Sirba Octet est le projet musical de toute une vie ?

R.S. : Non, mais mon projet le plus personnel, certainement. Mon objectif, en tant qu’artiste, a d’abord été de devenir le meilleur musicien d’orchestre possible ; jouer en orchestre, c’est être au cœur de la musique. Deuxième aspect de ma vie de musicien : l’enseignement, qui est pour moi fondamental. J’ai été élevé dans la transmission, et je ne serais pas ce que je suis aujourd’hui sans l’enseignement d’Ivry Gitlis. Enfin, Sirba, c’est le projet qui a trait à ma vie la plus intime. Pourtant, aujourd’hui, ce projet appartient à tout l’ensemble. On ne mène jamais à bout ses idées seul.

Propos recueillis par Jean-Luc Caradec et Jean-Guillaume Lebrun

 

 

A propos de l'événement

SIRBA OCTET
du samedi 11 janvier 2020 au dimanche 12 janvier 2020


Samedi 11 janier à 20 h. Micropolis de Besançon (25000).
Micropolis : 3 boulevard Ouest, 25000 Besançon.
Dimanche 12 janvier à 16 h. Axone de Montbelliard (25200)
Axone : 6 Rue du Commandant Pierre Rossel, 25200 Montbéliard

Sirba Orchestra ! Avec l’Orchestre Victor Hugo Franche-Comté dirigé par Jean-François Verdier à Besançon et Montbéliard (25), les 11 et 12 janvier, avec l’Orchestre de Cannes dirigé par Benjamin Lévy (06) le 14 février, avec le WDR Funkhausorchester à Cologne (Allemagne) le 8 mai, avec l’Orchestre symphonique des Hauts-de-France à Cambrai (59) le 11 juillet.

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