La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Critique

Sans objet

Sans objet - Critique sortie Danse

Publié le 10 mai 2011 - N° 188

Homme du cirque, tout comme du théâtre ou de la danse, Aurélien Bory a su, dans toutes ses pièces, modeler l’espace et les corps, soutenu par un incroyable sens de la mise en scène. Avec Sans objet, il met l’accessoire au centre du dispositif, et la technologie au cœur du vivant.

On apprécie le travail d’Aurélien Bory dans sa capacité à se fondre dans un milieu, à trouver dans toutes ses collaborations des matières à bouleverser encore et toujours l’espace. S’appuyant sur le flamenco (Questcequetudeviens ?), sur l’acrobatie marocaine (Taoub), le cirque chinois (Les Sept Planches de la ruse) ou tout simplement sur la géométrie de l’espace, chacune de ses pièces marque également à sa façon l’idée d’un rapport étroit entre le corps et l’objet. Aurélien Bory crée Sans objet en 2009, comme une surenchère à sa démarche : au centre de la scène et comme protagoniste, une énorme machine, empruntée à l’industrie automobile. Incroyable amas de muscles d’acier, son bras articulé est un condensé de technologie, à la fois puissant, mobile et d’une grande finesse de mouvement. Ce n’est pourtant pas ainsi qu’Aurélien Bory nous le livre. Il prend le soin d’ôter toute référence à la fonction du robot, à son utilité même, le couvre d’une immense bâche, et laisse la bête se découvrir à nous. D’abord cachée, elle fait se mouvoir le plastique dans une étrange danse – presque la plus belle du spectacle – qui hypnotise déjà le spectateur. C’est une masse mobile qui occupe la scène, magma où se reflète la lumière, miroir de nos peurs, de nos fantasmes, de nos angoisses. Curieusement, de cette étrange danse des matières, où les humains n’ont pas encore leur place, naît une impression de vie. Quand le robot apparaît enfin, son corps et ses intentions n’en sont que plus troubles à nos yeux.
 
L’homme dépassé par la machine
 
A l’apparition des deux hommes, le spectacle tourne vers la rencontre concrète entre l’humain et la technologie. Très sérieux et tirés à quatre épingles, ils vont faire l’expérience du partage du plateau avec la machine, partant à sa découverte par la confrontation directe dans le corps à corps. Elle devient agrès, support à l’acrobatie… ils s’amusent de ce nouveau terrain de jeu. Pourtant, c’est une étrange sensation qui naît de cette relation : qui est la marionnette ? La machine dirigée à vue ou les deux pantins qui s’y suspendent ? En préambule à ce spectacle insolite et magnifique, Aurélien Bory montrait la capacité de l’objet à créer seul de l’imaginaire et du poétique ; à la fin, il met en exergue la surpuissance de la machine vis-à-vis de l’homme et son pouvoir de création comme de destruction. Dommage qu’au milieu, les propositions des interprètes ne soient pas toujours à la hauteur de la puissance évocatrice de la « bête ».
 
Nathalie Yokel


Sans objet d’Aurélien Bory, les 13 et 14 mai à 21h au Théâtre de Sartrouville, place Jacques Brel, 78500 Sartrouville. Tel : 01 30 86 77 79. Et du 19 au 21 mai à 20h45 aux Gémeaux, scène nationale de Sceaux, 49 avenue Georges Clemenceau, 92330 Sceaux. Tel : 01 46 61 36 67. Spectacle vu au Théâtre de la Ville, à Paris.

A propos de l'événement


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