Traduire, c’est précisément s’efforcer de ne pas trahir, rencontre avec André Markowicz et Françoise Morvan
Passeurs de langues, de poèmes, traducteurs [...]
Le metteur en scène sud-africain Brett Bailey revisite le mythe de Samson en le transposant au cœur de l’époque contemporaine dans un spectacle quasi opératique.
Qui était Samson ? Dans l’Ancien Testament, sa célèbre histoire est racontée dans le Livre des Juges. Il est cet homme consacré à Dieu, ce « nazir » qui tient sa force de son abondante chevelure – un secret qu’il finit par révéler à Dalila, laquelle cause sa perte, non sans que Samson réussisse, avant de mourir, à tuer des milliers de Philistins. Dans la vision de Brett Bailey, le grand metteur en scène sud-africain, préoccupé par l’histoire coloniale et post-coloniale – Exhibit B, présenté à Avignon en 2013, dénonçait les crimes commis en Afrique –, le mythe ne trouve pas les mêmes interprétations que les lectures judéo-chrétiennes. Selon lui, celles-ci « mettent généralement l’accent sur la faiblesse de ce héros, détourné de sa tâche divine par la luxure et la rage. » Or, explique-t-il, « J’ai abordé l’histoire avec un regard neuf, libéré des contraintes de la moralisation religieuse. » Déracinant le mythe de son contexte religieux, Brett Bailey le transpose dans une dystopie où le capitalisme débridé et les migrations exacerbées le disputent à la violence et à la xénophobie.
Rage refoulée des peuples opprimés
Dans ce paysage contemporain, Samson devient le symbole de l’humiliation et de la rage refoulée des peuples opprimés. Si la lecture de Brett Bailey vise à atteindre malgré la violence du discours une grande poésie, c’est que sa mise en scène, en plus de convoquer des images puissantes, est chargée d’une énergie spirituelle explosive. Elle tient notamment à l’incarnation d’Elvis Sibeko qui interprète Samson, un danseur-chorégraphe également sangoma – un guérisseur dans la tradition du nord du Mozambique. Sa danse proche de la transe résonne avec la bande-son qui convoque musiques sacrées et profanes, beats électroniques et chants lyriques. Elle témoigne aussi de la fascination de Brett Bailey pour le chamanisme, le rituel, le refoulé et l’irrationnel. Le spectacle, créé en Afrique du sud en 2020, a reçu plusieurs prix. De quoi susciter encore plus de curiosité pour la première européenne à Avignon.
Isabelle Stibbe
à 18h, relâche le 9. Tél : : 04 90 14 14 14. Durée : 1h40. Déconseillé aux moins de 16 ans.
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