La Tour vagabonde
La compagnie Les Mille chandelles installe [...]
Insolite, terrienne, poétique : la comédienne Laurence Vielle se lance à corps perdu dans un monologue écrit et mis en scène par Laurent Fréchuret. Une performance rare, qui fait surgir une Jeanne d’Arc d’hier et d’aujourd’hui.
Laurent Fréchuret reprend le « poème dramatique pour jeux, voix et corps humains » qu’il a créé, il y a environ deux ans, à La Maison de la Poésie de Paris. Titrée Sainte dans l’incendie*, cette suite de douze tableaux est son premier texte. Un travail à maturation lente, puisqu’il aura fallu près de quinze ans au metteur en scène (et auteur) pour accoucher du journal poétique dont s’est nourrie cette œuvre. « C’est l’enfance d’une évasion. / Domrémy, frontière de Lorraine, bord de Meuse, pays rural dans un monde étranger. / Cent ans de guerre dans un sentier peureux. » Dès les premières répliques, une évidence frappe : une plume est là, d’une élégance simple, à la fois concrète et épurée, précise et elliptique. Une plume, mais aussi une présence – étonnante, rare. La présence de la comédienne belge Laurence Vielle, qui subjugue dès les premiers instants de la représentation.
Faire « humanité commune »
Les bras en désordre, les genoux en dedans, le regard peuplé de tout un monde, la voix et le corps qui se lancent dans de drôles de déplacements, de drôles de balancements : Laurence Vielle a quelque chose d’une étrangeté intemporelle. Pleinement contemporaine et pourtant comme surgie d’un ailleurs poétique, elle nous transporte dans un espace de théâtre hors du temps. Et bien qu’il soit ici question de la vie et de la mort de Jeanne d’Arc, l’être qui apparaît sur scène dépasse les seuls contours de cette figure historique pour révéler une Jeanne universelle. Une Jeanne dont les combats, les élans intérieurs, les révoltes interpellent nos propres combats, notre propre intériorité, nos propres insoumissions. Cette femme de toutes les époques, qui incarne tous les âges, s’offre à nous de manière extrêmement généreuse, profondément touchante. Elle nous invite à faire « humanité commune » avec elle, à prendre conscience des voix énigmatiques qui nous traversent et nous inspirent. Une excursion flamboyante au cœur de l’intime.
Manuel Piolat Soleymat
* Publié par Les Solitaires intempestifs.
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