La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Ruy Blas de Victor Hugo, mis en scène d’Yves Beaunesne

Ruy Blas de Victor Hugo, mis en scène d’Yves Beaunesne - Critique sortie Théâtre Paris CDN Théâtre Gérard Philipe
Jean-Christophe Quenon en don César de Bazan © Guy Delahaye

de Victor Hugo, mis en scène d'Yves Beaunesne

Publié le 21 février 2020 - N° 285

Dans sa mise en scène de Ruy Blas, Yves Beaunesne séduit par son parti-pris esthétique mais convainc moins en tirant la pièce vers le burlesque.

Ah ! la fameuse démesure hugolienne ! L’exagération, l’hyperbole, la boursouflure même, Victor Hugo se les est permises, en grand génie qui sait que l’écriture est transgression. Dans ses pièces de théâtre, cela donne un mélange des genres difficile à mettre en scène, tant le sublime côtoie le rire, le lyrisme les calembours, et l’épique le mélodrame. Yves Beaunesne sait bien que cette histoire d’un « ver de terre amoureux d’une étoile », cette pièce où le laquais Ruy Blas se fait passer pour un grand d’Espagne sans savoir qu’il n’est que l’instrument de la vengeance de Don Salluste, peuvent se lire tout aussi bien comme « un conte de fée, un mélodrame, une tragédie sociale, un drame romantique ou une comédie avec ses scènes cultes que n’ont pas reniées Louis de Funès et Yves Montand ». Or sa mise en scène, créée cet été au château de Grignan dans le cadre des Fêtes nocturnes et donnée en ce moment au TGP, livre un curieux contraste. Si la pureté du plateau nu nimbé de lumières très travaillées, si les costumes flamboyants signés Jean-Daniel Vuillermoz imposent de superbes images, dignes parfois de tableaux de Vélazquez, ce parti-pris esthétique très sûr est contrebalancé par une direction d’acteurs nettement plus flottante.

Corps désarticulés voire hystérisés

Sans même parler d’une diction souvent précipitée, qui fait perdre la compréhension d’un bon tiers du texte même chez des comédiens chevronnés comme Thiery Bosc, les acteurs semblent perdus dans ce vaste plateau nu, où ils multiplient leurs pas sans réelle nécessité. Yves Beaunesne a manifestement choisi la démesure dans les effets comiques, n’hésitant pas à désarticuler les corps voire à les hystériser, mais il finit par faire tomber sa mise en scène dans le grotesque. Sa reine d’Espagne interprétée par Noémie Gantier détonne particulièrement, passant tout à trac des émois adolescents à un cocasse surprenant dans des scènes qui appelleraient plutôt le romantisme. Ce grotesque finit par tuer toute émotion et atténue la charge sociale, même dans le fameux « Bon appétit, messieurs ! Ô ministres intègres ». Forcément, les comédiens qui tirent le mieux leur épingle du jeu sont ceux qui ont une partition véritablement comique à jouer, comme le truculent Jean-Christophe Quenon, don César aux airs de Falstaff, ou Zacharie Féron, savoureux en homme de main de Don Salluste. On reste malgré tout sur sa faim. Quitte à rire carrément, autant voir le film La Folie des Grandeurs

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

Ruy Blas
du mercredi 26 février 2020 au dimanche 15 mars 2020
CDN Théâtre Gérard Philipe
59 bd Jules Guesde, 93200 Saint-Denis.

Du lundi au samedi à 20h, dimanche à 15h30. Relâche le mardi. Tél. : 01 48 13 70 00. Durée : 2h15.

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