Vider Vénus de Gaëlle Bourges
Ne manquons pas cette occasion de revoir [...]
Après l’invitation du Théâtre du Châtelet, Rone, compositeur français venu de l’électronique, s’est tourné vers le collectif (La)Horde, aux manettes du Ballet National de Marseille. La musique conceptuelle de l’artiste s’est alors articulée à la compagnie, porteuse d’une danse au prisme des révoltes actuelles des nouvelles générations. En résulte une performance bouleversante, déployant sur scène un monde en déroute, dont seul le collectif parvient à exhumer la beauté.
Une grande carrière minérale occupe le plateau du Châtelet. Un imposant mur de pierres grises s’élève. En son centre, une alcôve abrite Rone et les danseurs du Ballet de Marseille, regroupés autour de la table de mixage, en une transe évoluant au son des premiers BPM. Dans ce décor désordonné s’installe un sombre chaos. Poussière et errance s’imposent à un monde où l’amour est violent, où la sexualité se montre, où solitude et communauté s’entrechoquent. Cette contemplation fataliste d’une réalité que l’on devine être la nôtre prend au cœur et au corps, dans le public meurtri par le ballet tourmenté, et dans les corps anonymes sur scène hurlant la peur d’un futur trop proche. L’urbain est détruit, les ombres se dessinent sur la pierre, et le monde de demain se rapproche, trop vite, augurant une fin certaine à celui d’aujourd’hui. Les textures musicales et chorégraphiques se confondent, l’une s’ajustant à l’autre, pour un tableau saisissant, troublant.
Une utopie politique jaillit du plateau, lumineuse, saine, porteuse d’espoir
Il aura fallu – à raison – tomber si bas dans les affres de l’inéluctable pour esquisser l’espérance, non sans une courageuse insolence. Sur scène, la reconstruction passe d’abord par dire « fuck ». Les poings se lèvent tandis que les danseurs apprécient leur identité révélée. Se donne alors à voir un collectif où chacune et chacun affirme sa place. Le chaos s’organise, dévoilant son étonnante beauté. Une ronde prend forme, premier objet rassurant. Les phrases musicales se répètent, se transforment, mais ne s’arrêtent jamais, ne laissant de répit à personne et surtout barrant la route à l’attentisme. Incluse un instant à l’utopie fantasmée, la salle éclairée sursaute, tenue en haleine. Le collectif continue de se former, il gagne maintenant l’énergie, l’espace, le temps, donnant à la danse la matière pour se déployer. Sublime tableau d’un naufrage collectif, la collaboration entre (La)Horde et Rone tient au pouvoir autant qu’à la cruauté de la communauté qu’elle donne à voir. Mais bientôt les visages se détendent, l’amour de l’autre et l’espoir d’un futur en commun prennent la place. Tout comme la composition de Rone, le monde ne s’arrête pas de tourner. Pour l’instant.
Louise Chevillard
à 20h, le dimanche à 15h. Tél : 01 40 28 28 40. Durée 1h10.
Tournée : les 14 et 15 octobre au Grand Théâtre de Provence, le 8 novembre à La Scène nationale d’Orléans, les 13 et 14 janvier 2023 à Carré-Calonnes Scène nationale, en février 2023 en Belgique et le 24 mai 2023 à Anthéa – Antibes.
Album Room with a view, cinquième album de Rone, disponible partout.
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