Focus Portugal : Chaillot fait la part belle aux artistes portugais
Chaillot fait la part belle aux artistes [...]
Israel Galván touche au sublime en faisant résonner ses pas sur la pierre de la chapelle Saint-Louis.
Une apparition, presque en contrejour. Le voilà à l’entrée de la nef principale. Quand la lourde porte se referme derrière lui, commence sa procession en solitaire, comme une lente traversée liant les deux extrémités de l’édifice. A petits pas, toujours frappés, il tend une ligne qui coupe cette étendue sacrée par son corps fin et sa verticalité tranchante. La pierre rugueuse du sol renvoie par saccades le rythme de sa sobre marche, et l’immensité de l’espace fait le reste, dans une puissante résonnance. Tout de noir vêtu, il concentre notre regard sur ses bottines blanches – et, plus tard, sur ses pieds nus – instruments divins d’une immense force musicale que quelques claquements de doigts et de langue viennent accompagner. Totale icône, il rend sa performance d’autant plus immense que le public peut presque le toucher, rassemblé autour de lui dans une attention extrême à son déplacement, comme happé par son sillage.
Une danse infinie
Le spectacle aurait pu s’arrêter là, dans ce concentré de musique et de danse produit par ce seul corps. Mais Israel Galván, aussi facétieux qu’inventif, a fait de l’invitation lancée à l’organiste Benjamin Alard une deuxième partie infiniment surprenante. D’abord au lointain, la musique de Scarlatti cherche sa place alors que le danseur est au centre de la chapelle. Le crissement des graviers a remplacé la percussion, il cherche son rythme, implore presque le sol de ses frappes et de ses tours avant de rejoindre le magistral instrument de musique. Là, on imagine les mains du musiciens frappant sur son clavier avec la même frénésie que le danseur de flamenco, lui-même réduit en sourdine sur une moquette absorbant ses chocs. Il hésite, esquisse ses gestes, en appelle à quelques postures baroques. Avant de retrouver sa force de frappe, irrévérencieuse et renversante sur la pierre comme sur le bois.
Nathalie Yokel
Spectacle vu à la chapelle Saint-Louis de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière.
À 19h, relâche le 11. Tél. : 01 42 74 22 77.
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