La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Reprise de « Dispak Dispac’h » de Patricia Allio, en défense des droits des migrants

Reprise de  « Dispak Dispac’h » de Patricia Allio, en défense des droits des migrants - Critique sortie Théâtre Paris _THEATRE SILVIA MONFORT
Dispak Dispac’h, de Patricia Allio. © Emmanuel Valette

Théâtre Silvia Monfort

Publié le 29 février 2024 - N° 319

Après avoir été programmé lors du dernier Festival d’Avignon, l’espace de théâtre militant élaboré par Patricia Allio s’ouvre aujourd’hui au Théâtre Silvia Monfort. Il y est question des droits fondamentaux des migrants et des politiques d’éloignement mises en place par les pays de l’Union européenne. Quand le théâtre nous amène à réinvestir des prises de conscience essentielles car nécessaires.

C’est un moment pas comme les autres auquel nous convie la performeuse et metteuse en scène Patricia Allio. Un moment rare, proprement hors du commun. Une soirée poignante qui est aussi joyeuse, car elle établit un espace de rencontre, de pensée et de partage. Cette agora citoyenne redéfinit avec beaucoup d’intelligence ce que peut être le théâtre dans notre société oublieuse et individualiste. On sort de ce Dispak Dispac’h ému et reconnaissant. On n’y apprend pourtant rien qu’on ne savait déjà. Des femmes et des hommes meurent, chaque jour, en cherchant à fuir la guerre, la misère, la violence. Selon le décompte de l’Organisation internationale pour les migrations, 27 633 personnes ont disparu en mer Méditerranée depuis 2014. En breton, Dispak signifie « ouvert, déplié, en désordre… ».Dispac’h veut dire « agitation, révolte, révolution… ». Patricia Allio ne nous appelle pourtant pas à prendre les armes et ériger des barricades. Son geste est lumineux et sensible, tout en attestant d’une grande rigueur, d’une grande exigence de pensée. « Liberté de circulation pour toutes et tous », proclame une banderole déployée derrière l’un des gradins de cette proposition de théâtre politique qui pose comme principe intangible l’égalité entre les êtres.

Une vie douce

Évidemment, il n’est pas question ici de débat contradictoire. Les droits fondamentaux des exilés que défend Dispak Dispac’h ne sont pas discutables. L’une des ambitions affirmées par Patricia Allio est de faire de la scène un levier de résistance à l’indifférence généralisée, un outil de saisissement populaire et de réappropriation militante. Une première partie expose les fondements personnels de ce projet et énonce l’acte d’accusation rédigé, en 2018, par le Groupe d’information et de soutien des immigrés (le GITIS) pour une session du Tribunal Permanent des Peuples qui s’est tenue à Paris. Elle est interprétée par la comédienne Elise Marie et le danseur chorégraphe Bernardo Montet, dans une scénographie de Mathieu Lorry-Dupuy. Divers témoins et acteurs de la société civile prennent ensuite la parole au milieu des spectatrices et spectateurs installés au sein d’un dispositif quadrifrontal. Mortaza Behboudi, Gaël Manzi, Stéphane Ravacley et Marie-Christine Vergiat s’ouvrent à nous. Ils nous parlent de leur parcours, de leurs combats, des raisonnements et des sentiments qui les ont amenés à s’engager pour la défense des droits des migrantes et des migrants. Ces paroles puissantes, touchantes, tracent des chemins de fraternité et de sororité. Dispak Dispac’h nous rappelle sans surplomb, de manière simple, directe et généreuse, à nos devoirs d’hommes et de femmes : rendre possible un monde dans lequel chacune et chacun, quel que soit le pays dans lequel il ou elle naît, peut « avoir pour projet », pour reprendre les mots d’Anour, un exilé rencontré par Patricia Allio, « de mener une vie douce, une vie sans violence ».

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Dispak Dispac’h
du jeudi 21 mars 2024 au vendredi 29 mars 2024
_THEATRE SILVIA MONFORT
Parc Georges Brassens, 106 rue Brancion, 75015 Paris

du mardi au vendredi à 20h, samedi 23 à 20h, samedi 30 à 18h, dimanche à 15h. Tél. : 01 56 08 33 88. Durée : 2h30. Spectacle vu au Festival d’Avignon 2023.

Egalement du 9 au 13 avril au Théâtre national de Bretagne à Rennes, les 17 et 18 avril à la Comédie de Caen, du 23 au 25 mai à la Comédie de Valence, les 30 et 31 mai à La Passerelle – Scène nationale de Saint-Brieuc.

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