Xavier Le Roy présente deux pièces aussi atypiques que réjouissantes : de la production à la représentation, elles inventent des modes de travail singuliers, qui reconfigurent également l’activité du spectateur.
Low pieces est une création, et pourtant certaines formes de cette pièce ont déjà été présentées à Berlin, à Londres…
Xavier Le Roy : En général, on cherche des coproducteurs, puis on a trois mois de création, et enfin il y a « la première ». Avec low pieces, c’est différent ; le processus de création se développe depuis deux ans. Une création ponctuée de représentations : chaque lieu d’accueil nous a reçus pour une semaine de travail, à l’issue de laquelle nous avons présenté la pièce. A chaque fois, nous créons une ou deux nouvelles scènes, qui viennent s’insérer dans la pièce. D’autres scènes, plus anciennes, disparaissent. L’équipe est mouvante également : pour chaque session, nous avons intégré des interprètes habitant à l’endroit où nous étions accueillis. Ils introduisaient de l’hétérogénéité dans le projet, auquel ils n’avaient évidemment pas le même rapport que les participants qui y travaillaient depuis le début… Avant les représentations d’Avignon, nous aurons encore une semaine de création. A l’issue de cette série, je pense que ce processus touchera à sa fin, et que la pièce pourra tourner sous une forme (relativement) définitive. L’équipe restera changeante, chaque représentation impliquant 9 interprètes sur les 14 participants. Ce caractère fluctuant est important dans cette pièce dont chaque scène est conçue comme un paysage, composé de choses qui forment des groupes ou communautés à caractère végétal, animal, machinique… Il s’agit, dans chacun de ces paysages, d’observer comment le groupe fonctionne et se modifie, en lien avec son environnement – un environnement dont font partie les spectateurs.
L’une des scènes est d’ailleurs une conversation avec les spectateurs…
X. L. R. : Depuis quelques représentations, nous avons en effet commencé par inviter le public à une conversation, dont nous annonçons la durée, mais pour laquelle nous n’avons pas de thèmes ni d’objectifs prédéfinis : il s’agit simplement de voir ce qui se passe dans le groupe que constituent les spectateurs et les danseurs, quelles préoccupations surgissent. C’est en général un moment assez drôle, et très révélateur. La conversation est comme un miroir, reflétant l’image de la communauté présente dans le théâtre – et comme on sait, il y a des moments où l’on a un choc en se voyant dans le miroir ! A nous, interprètes et spectateurs, de transformer cette image, si celle-ci ne nous convient pas. Le rapport à ce qui se déroule ensuite est évidemment informé par ce moment de conversation. On ne regarde pas des interprètes – notamment des interprètes dont le corps s’expose nu, ce qui est le cas dans low pieces – de la même façon quand on a parlé avec eux auparavant. C’est une introduction pour chercher une alternative à notre perception, parfois dichotomique, des êtres objets ou sujets.
« Chercher une alternative à notre perception, parfois dichotomique, des êtres objets ou sujets. »
Vous présentez également un solo, Produit d’autres circonstances.
X. L. R. : Au départ, il y a eu un e-mail de Boris Charmatz, me rappelant une phrase que j’avais, disait-il, prononcée quelques années auparavant : « Pour devenir un danseur de butoh, il suffit de deux heures. » Il m’invitait à mettre en œuvre cette idée, c’est-à-dire à travailler deux heures puis à présenter une performance de butoh… Ce que j’ai fait en octobre 2009. Ce qui m’intéressait, c’est que derrière le « challenge » lancé par Boris Charmatz, il y avait la question du mode de travail (préparer un spectacle en deux heures, c’est évidemment interroger les conditions d’exercice des artistes aujourd’hui, les contraintes, les implications politiques d’une façon de travailler), mais aussi le problème de l’apprentissage et, plus spécifiquement, de la possibilité d’approcher une culture étrangère… Produit d’autres circonstances est le récit de cette expérience : je retrace le processus par lequel j’ai cherché à m’approprier le butoh, à construire cette danse. C’est une mise à nu de la pièce : présenter la façon dont elle a été construite, les idées, les recherches, les tentatives, les anecdotes, les étapes qui la constituent.
Propos recueillis par Marie Chavanieux
Low pieces, de Xavier Le Roy, du 19 au 21 juillet à 22H, du 23 au 25 juillet à 18H, Gymnase du Lycée Mistral. Produit d’autres circonstances, de Xavier Le Roy, les 8 et 9 juillet 2011 à minuit à l’Ecole d’art.