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Théâtre - Entretien

« Invisibili » d’Aurélien Bory dit l’importance de l’Art face aux fléaux de l’époque

« Invisibili » d’Aurélien Bory dit l’importance de l’Art face aux fléaux de l’époque - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Ville Les Abbesses
© Aglaé Bory Aurélien Bory

Théâtre de la Ville – Les Abbesses / Conception et mise en scène d’Aurélien Bory

Publié le 20 décembre 2023 - N° 317

Créé pour le Théâtre Biondo de Palerme par Aurélien Bory, Invisibili se base sur la fresque murale Le Triomphe de la mort pour dire l’importance de l’Art face aux fléaux de l’époque.

Lorsque la directrice du Théâtre Biondo, Pamela Villoresi, vous propose de venir créer un spectacle pour son lieu, quel regard portez-vous sur cette ville ?

Aurélien Bory : Je savais que Pina Bausch avait 30 ans plus tôt reçu une invitation semblable de la part du Théâtre Biondo, qui a donné lieu à sa pièce Palermo Palermo que j’ai vue au Théâtre de la Ville et qui m’a beaucoup marqué. Cette présence de Pina Bausch a compté dans ma décision d’accepter l’invitation et dans le regard que j’ai posé en premier lieu sur Palerme. Je connaissais aussi un peu de l’Histoire de cette ville, de sa situation de carrefour de nombreuses cultures, qui en fait une ville métaphorique. Et je savais que son maire, Leoluca Orlando, à contre-courant de la politique italienne et même européenne, avait en 2014 déclaré les migrants comme citoyens d’honneur de sa ville. Ces idées sont encore présentes dans la création, bien que j’aie conçu celle-ci à partir de mes rencontres sur place.

La première de ces rencontres est celle d’une fresque du XVème siècle, Le Triomphe de la mort. Pourquoi décidez-vous d’en faire votre partition ?

A.B. : Cette fresque que je découvre par hasard à la Galerie Abatellis, alors que j’allais voir la célèbre Annunciata d’Antonello de Messine, me saisit pour plusieurs raisons. Déjà, j’y reconnais de nombreuses choses. Sa composition, qui mêle chaos et ordre, me fascine de même que le mystère qui entoure sa création : on ne sait pas qui l’a peinte, mais ce maître inconnu s’est représenté lui-même sur sa fresque avec son disciple. Ce serait ainsi le premier peintre à se représenter lui-même dans son œuvre, dix ans après le premier autoportrait connu dans l’Histoire de l’Art, celui de Jan Van Eyck en 1433. Le Triomphe de la mort ne parle ainsi pas de l’issue fatale mais du recours à la représentation face à la conscience de celle-ci, au réconfort qu’elle peut apporter.

« J’ai cherché à donner vie au plateau à de grands fléaux contemporains. »

Comment choisissez-vous les interprètes d’Invisibili, qui comme souvent dans vos créations sont issus de disciplines différentes ?

A.B. : Je suis allé voir beaucoup de spectacles à Palerme, afin de me familiariser avec sa scène artistique et d’y faire des rencontres. C’est ainsi que j’ai découvert le saxophoniste Gianni Gebbia, qui a un parcours impressionnant dans le jazz. Quant au chanteur nigérian Chris Obéhi, j’ai croisé sa route grâce au fondateur de l’association Moltivolti, qui tient un restaurant où ne sont employés que des migrants. J’ai été très touché par le fait que Chris se soit découvert chanteur en arrivant à Palerme. Pour les danseurs, j’ai organisé des workshops qui m’ont permis de réaliser l’immense vivier qu’est cette ville pour la danse contemporaine. Les danseuses, surtout, sont excellentes. C’est ainsi que j’ai emmené dans l’aventure Valeria Zampardi, Blanca Lo Verde, Maria Stella Pitaresi et Arabella Scalis.

Quel rapport entretiennent tous ces artistes avec la fresque évoquée plus tôt, que vous avez fait reproduire à l’échelle 1 et qui occupe le fond de scène ?

A.B. : Au début du spectacle, je présente la toile. Puis c’est l’action qui prend le relai. La fresque ayant été peinte en pleine peste noire, j’ai cherché à donner vie au plateau à de grands fléaux contemporains. Le couple d’amoureux qui meurt sur la fresque est présent au plateau : elle est atteinte d’un cancer, lui est un migrant. Les danseuses incarnent les Parques, qui sur la peinture sont déjà représentées comme des danseuses. J’ai beaucoup aimé créer des contrastes entre l’œuvre du passé et le présent.

Propos recueillis par Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Invisibili
du vendredi 5 janvier 2024 au samedi 20 janvier 2024
Théâtre de la Ville Les Abbesses
31 rue des Abbesses, 75018 Paris

du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h. Tel : 01 42 14 22 77. www.theatredelaville-paris.com. Également les 30 et 31 janvier à La Coursive – Scène nationale de La Rochelle, du 6 au 10 février à la Maison de la Danse de Lyon, les 14 et 15 février à L’Agora, Pôle National des Arts du Cirque de Boulazac…

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