La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Quelques mots pour dire d’où je viens

Quelques mots pour dire d’où je viens - Critique sortie Théâtre
Photo : Elsa Bosc et Gaëtan Kondzot font entendre des paroles d’immigrés entre la mémoire du passé et les défis du présent.

Publié le 10 avril 2009

Des paroles d’immigrés de tous horizons adaptées par Guillaume Hasson dans une mise en scène sobre et sensible de Maria Cristina Mastrangeli. Pour comprendre la singularité et la légitimité de chaque parcours.

France terre d’accueil… Terre où des exilés tentent de recomposer leur destin, de construire une identité nouvelle, cheminant entre héritage et désir de liberté, entre espoirs et désillusions, entre pauvreté et rage de s’en sortir. Une quête existentielle du familier vers un inconnu fantasmé, bientôt devenu à son tour familier sinon proche. Pas facile de se bâtir une identité et une place dans la République tant l’individu doit faire face aux frontières visibles et invisibles qui surgissent entre soi et les autres. La pièce est née suite à une résidence d’auteur de Guillaume Hasson à la Maison des Arts de Thonon-Evian, où il a recueilli des témoignages d’immigrants de tous horizons. Au final, neuf d’entre eux ont été retenus pour la pièce, s’échelonnant du début du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui, issus d’Arménie, Italie, Algérie, Allemagne, Cap-Vert, Sénégal, Turquie et autres contrées où divers facteurs économiques, sociaux ou politiques peuvent pousser à partir. « Le parcours propre à chaque personnage est toujours singulier. Il y a comme une injonction cachée qui le conduit à agir, depuis la source jusqu’à son terme. » dit l’auteur. Le texte a été retravaillé et approuvé par les témoins, ne laissant apparaître aucune différence dans les niveaux de langue. Chacun raconte autant les raisons du départ que les défis de l’intégration, face aux “brûlures du silence“, aux insultes, aux uniformes parfois méprisants, aux conditions de travail très dures.

Simplicité et sobriété

Le texte comme la mise en scène de Maria Cristina Mastrangeli évitent tout pathos et tout jugement, et soulignent autant l’unicité de chaque expérience, dans ses motivations et dans son vécu, que sa portée universelle. Des chants du monde (Lorraine Prigent) font la transition entre chaque histoire. C’est la simplicité et la sobriété qui déterminent le jeu d’acteurs. La pièce veut faire entendre une multiplicité d’expériences intimes, et évite donc une incarnation contextualisée. Deux comédiens sont les passeurs de paroles : Elsa Bosc et Gaëtan Kondzot. Cette multiplicité est un bel atout humaniste, qui en même temps, et c’est un peu dommage, oblige à rester à la surface de chaque vie, à ne pas approfondir les situations. L’espace, simple et élémentaire, dénué de signes culturels, laisse la parole prendre tout son sens, entre rangées de bassines ou de chaises. Suspendue au-dessus de la scène, une palissade de bois, symbole d’une frontière – infranchissable ?- entre le pays d’origine et le pays d’accueil, entre rêve et réalité, etc. Un symbole peut-être trop visible car il semble signifier de façon forte l’impossibilité de la conquête d’un nouvel espace de vie. La pièce pudique et sobre est un plaidoyer sensible contre les visions simplistes sur les immigrés, contre les abus de pouvoir en tout genre, et confirme finalement que la France est plus capable qu’elle croit d’assumer son multiculturalisme.

Agnès Santi


Quelques mots pour dire d’où je viens, de Guillaume Hasson, mise en scène Maria Cristina Mastrangeli, le 28 avril à 20h30 au Théâtre de Cachan. Tél : 01 45 47 72 41. Du 14 au 16 mai à 20h30 et le 17 à 16h au Théâtre Berthelot à Montreuil. Tél : 01 41 72 10 36. Spectacle vu au Centre Culturel Aragon Triolet à Orly.

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