« Israel & Mohamed », quand Israel Galvan et Mohamed El Khatib mettent en dialogue leurs langages respectifs : danse et cinéma.
Dans Israel & Mohamed, le danseur de [...]
Avignon / 2025 - Entretien / Anne Teresa de Keersmaeker et Solal Mariotte
Rencontre au sommet en lettres majuscules : Anne Teresa de Keersmaeker et Solal Mariotte se rassemblent autour de Jacques Brel dans un duo inédit. Dans la simplicité et la complicité, ils nous livrent leur processus de création.
Jacques Brel est un artiste qui rassemble tellement de choses qu’il est comme une multitude à lui seul. Comment l’avez-vous abordé pour écrire de la danse ?
A.T. de Keersmaeker : En premier lieu, je précise que la pièce n’est pas un documentaire sur Brel, que nous avons la volonté explicite de ne pas le sacraliser. Ni moi ni Solal n’avons vu Brel en live. Nous nous appuyons sur l’histoire de la musique pop et de la chanson, l’histoire des enregistrements, des images filmées aussi. Brel est le point de départ d’une vision partagée entre Solal et moi, alors que nous avons une histoire très différente et donc un rapport très différent à cette musique. Les stratégies pour écrire une chorégraphie ont été multiples. D’abord, Solal a fait un travail seul, et moi également. Puis, nous nous sommes rassemblés, dans l’idée d’improviser et d’harmoniser les différentes approches.
S.Mariotte : Il ne s’agit pas de réaliser un hommage. Nous prenons donc des libertés, notamment sur la musique. Mais nous embrassons toutes les œuvres, tout l’héritage, que l’on vient questionner pour voir comment ça résonne aujourd’hui, comment ça fait écho dans notre approche scénique à tous les deux. Techniquement, se jouent une foule de stratégies entre le texte, les arrangements, la musicalité, la présence scénique, les gestes ! Nous avons aussi étudié le personnage qu’il a été en dehors des caméras, en travaillant avec la Fondation Brel et France Brel, où tout est très bien archivé. Tout ce qu’on a fait en amont a un impact et résonne sur scène de manière implicite et explicite. Nous avons tenté de savoir qui il était, de creuser tout cet univers, en se l’appropriant. En essayant, du moins, de le faire nôtre.
Sur cette notion d’explicite, des mots et du texte, vous êtes-vous appuyés sur un corpus de chansons particulier ?
A.T.D.K. : Nous nous sommes d’abord appuyés sur l’œuvre entière, soit à peu près 150 chansons dans la période des 15 ans de sa carrière en tant que chanteur. Nous avons opéré une sélection, dans une certaine logique chronologique. Ce sont des mélodies très reconnaissables, avec des textes forts, et en plus de cela, existent toutes ces images et ce vécu en tant que performeur qui ont été transmis par un grand nombre de documents. Cela donne beaucoup d’angles d’approche différents : le texte, la musique, les orchestrations, la mélodie, la simplicité de la structure.
S.M. : Comme très souvent dans la chanson, la trame suit en effet la structure couplet, refrain, couplet. Je dois dire que le choix s’est fait sur les chansons qui faisaient sens pour nous et qu’on aimait. C’est aussi simple que ça.
A.T.D.K. : Peut-être qu’un des problèmes qui se posent à nous, c’est d’être face à une multitude de chansons aussi fortes et célèbres. C’est une chance, mais c’est aussi un défi de créer avec des chansons qui sont tellement connues. Peut-être que Ne me quitte pas est la chanson la plus connue au monde !
Le défi était-il aussi dans la co-écriture, dans la rencontre entre deux générations ?
A.T.D.K. : Absolument. J’ai travaillé avec Solal pour Exit above, mais déjà avant nous avons découvert qu’on partageait ce même intérêt pour Jacques Brel. Dès le début, j’ai proposé d’être dans une co-écriture, de prendre en compte notre fascination commune et de la partager dans l’écriture. Je crois que le spectacle, c’est ce défi : qu’on fasse apparaître une unité à deux, que Solal s’y retrouve et que je m’y retrouve.
S.M. : Nous n’avons pas le même âge, la même nationalité, pas non plus le même vocabulaire de danse, les mêmes qualités aux mêmes endroits. Je suis vraiment un jeune chorégraphe. Et Anne Teresa est une icône de la danse contemporaine. Je pense qu’on essaie d’être complémentaires, avec toutes nos forces. C’est aussi une relation triangulaire entre Brel, Anne Teresa et moi. Mon Brel est mort, mais il résonne encore aujourd’hui.
Entretien réalisé par Nathalie Yokel
à 22h, relâches les 8, 12, et 16 juillet.
Tél. : 04 90 14 14 14. Durée : 1h30.
Navette aller-retour : Départ d'Avignon-Poste, cours du Président Kennedy, à 20h. 9€ l'aller-retour.
À réserver auprès de la billetterie.
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