La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Pulchérie Gadmer

Pulchérie Gadmer - Critique sortie Théâtre
Pulchérie Gadmer

Publié le 10 novembre 2007

CATULLE MM VII : poétique du sujet

Pulchérie Gadmer traduit, adapte et met en scène la poésie de Catulle, prince impertinent de la poésie lyrique et érotique, et explore avec lui les dimensions mentales du corps.

Pourquoi choisir de mettre en scène ce Romain vieux de 2050 ans ?

Pulchérie Gadmer :
Catulle est le père de la poésie lyrique et érotique : lyrique au sens où elle est l’expression d’un sujet (Catulle est au cœur de son écriture et l’écriture au cœur de sa vie) et érotique puisqu’il y fait la chronique de ses amours. En pleine période d’expansion d’une Rome conquérante, il revendique la liberté et la licence dont jouissait la poésie grecque, et que la morale romaine avait évincées. Il revendique la contemplation et l’oisiveté, synonymes de mollesse pour les Romains occupés par la course aux honneurs, par la réussite sociale et matérielle. Il s’intéresse au sentiment, méprisé par ses contemporains. Il tient un discours épicurien, parfois cynique, contre son époque. Ce républicain convaincu et apolitique, s’insurge contre l’émergence du pouvoir personnel, liée à l’enrichissement des puissants et à l’affairisme, et traite César d’ « enculé ». Autant d’échos extrêmement intéressants pour notre actualité ! Dans notre société qui retourne à la « moraline », sa parole impertinente est salutaire. Catulle est le premier à user d’un vocabulaire très quotidien au cœur d’une poésie légère, faite de « riens » essentiels, qui dessine des enclaves qui sont autant de lieux communs réunissant les hommes autour du simple fait d’être.

« Travailler sur la fresque et les frasques. »

Pourquoi avoir choisi de retraduire Catulle ?

P. G. :
Je voulais rétablir une traduction en vers de ces textes majoritairement traduits en prose, éviter les périphrases abusives et rester proche du franc-parler latin, de l’esprit de la lettre, contre une tradition d’enjolivement ou d’atténuation. Ce travail a aussi été nourri par l’oralité : à chaque moment je savais que les textes allaient être pris en charge par les six interprètes, puis l’adaptation a consisté à jouer avec l’essence même de la traduction, à savoir plusieurs formulations possibles, et la polysémie est devenue en soi un matériau, dans le souci d’économie et de symétrie des motifs de cette écriture.
 
Comment s’effectue le passage à la scène de cette écriture ?

P. G. :
On est, avec Catulle, dans une écriture de l’intime et dans une dramaturgie de la fragmentation, ce qui est extrêmement contemporain, et la forme même invite à l’adaptation théâtrale puisque ces courts poèmes sont aussi une succession d’adresses. L’équipe travaille sensiblement par l’expérimentation du plateau à l’agencement des fragments afin de composer un paysage mental. Je suis partie de la chambre, de la nuit, de l’insomnie et de l’eau avec la volonté de travailler sur la perspective, sur la fresque et les frasques. La profondeur scénique permet de jouer sur les temporalités et de créer dans l’espace trois chambres aux statuts différents : l’antichambre de l’éros, une chambre d’études et une d’insomnie. Et tout cela est distribué autour d’un bassin, sorte d’atrium central, endroit polysémique de l’agitation du cliché, exploré de différentes manières, et ménageant une place au performatif. Les corps se meuvent dans ce dispositif dans le même rapport que des modèles à l’œuvre plastique : ils sont envisagés comme autant d’espaces de pensée. Le spectateur est invité à voyager dans cette écriture, construisant des ponts entre les différents motifs et créant ses propres associations mentales.
 
Propos recueillis par Catherine Robert


CATULLE MM VII, d’après Catulle ; traduction et mise en scène de Pulchérie Gadmer. Du 16 au 18 et du 20 au 24 novembre 2007. Studio-Théâtre de Vitry, 18, avenue de l’Insurrection, 94400 Vitry-sur-Seine. Renseignements et réservations au 01 46 81 75 50.

A propos de l'événement


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